Interview de Karen Jouve CEO et cofondatrice de Doors3

Après avoir débuté sa carrière dans le conseil en transformation digitale, Karen Jouve s’est spécialisée dans les technologies blockchain et le Web3. À 27 ans, elle a cofondé Doors3, une entreprise en pleine expansion dans les domaines du Web3, des actifs numériques, de l’intelligence artificielle et du métavers.

Doors3 est implantée en France, en Suède et à Dubaï, et accompagne plus de 40 grandes marques de divers secteurs. Leur mission démarre par l’acculturation jusqu’à la mise en œuvre concrète, en offrant une expertise à 360° tout au long du cycle de vie du projet, incluant la stratégie, le marketing, le design et le conseil technique.

Passionnée par la technologie et ses applications, Karen intervient également en tant que conférencière lors de nombreux événements (NFT NYC, SEG3 Londres, GITEX Dubaï, PBWS, Davos, LEAP…). Elle est aussi rédactrice pour des médias spécialisés et grand public (CB News, Journal du Luxe, Les Échos, Capital, BFM Business…) et enseigne dans plusieurs institutions renommées (Paris Dauphine, Sciences Po Aix, Paris School of Luxury…).

Pouvez-vous nous expliquer votre parcours ?

Doors3 est un cabinet de conseil que j’ai créé en 2022 avec deux associés. Aujourd’hui, nous accompagnons une cinquantaine de grands groupes dans leurs projets d’innovation. Nous utilisons des technologies comme la blockchain, le Web3, les mondes immersifs, et l’intelligence artificielle. Notre objectif est de casser les codes d’un consulting parfois trop rigide et de proposer une approche unique plus connectée aux enjeux actuels.

Notre ambition est de créer une relation de confiance avec nos clients, mêlant conseil stratégique, expertise technologique et créativité. Avant de fonder Doors3, j’étais chez Weston, un grand cabinet de conseil. Je viens du sud, ce qui donne un parcours un peu atypique. Nous avons d’ailleurs décidé de baser Doors3 à Marseille pour incarner une vision décentralisée et montrer qu’on peut réussir loin de Paris.

Je n’étais pas forcément destinée à travailler dans la tech. Plus jeune, je me suis beaucoup investie dans le sport. Mais ce qui m’a attirée, c’est la possibilité d’avoir un impact concret sur l’avenir. Les opportunités offertes par des technologies comme le Web3 m’ont fascinée. Nous sommes encore au début de leur histoire, et j’ai envie de contribuer à leur construction en accompagnant des entreprises dans cette transition.

 

Comment l’intelligence artificielle est-elle intégrée chez Doors3 ?

Nous l’utilisons de plusieurs manières. Tout d’abord, nous épaulons nos clients pour comprendre ces technologies. Nous les aidons à se former, à identifier des cas d’usage pertinents et à déployer leurs projets. Par exemple, nous avons travaillé avec Renault, Orange et Vinci pour développer des expériences immersives telles que des « virtual stores », en exploitant l’IA pour personnaliser les recommandations. Nous avons également accompagné ROAM, un groupement d’assureurs, pour créer une académie IA. Ce programme éduque leurs équipes et leur permet d’explorer les innovations clés pour l’avenir de l’assurance. Nous collaborons principalement avec de grandes entreprises du CAC 40, mais aussi avec des marques du « middle market », comme Ami Paris, ou Alpine en Formule 1 et Team Vitality dans l’e-sport. De temps en temps, nous travaillons avec des startups ou des administrations.

Nous employons également l’intelligence artificielle dans nos propres processus. Nos développeurs s’appuient sur des outils d’IA sur des projets blockchain. Dans notre studio design, nous utilisons des applications d’IA pour concevoir des maquettes, générer des visuels et améliorer notre productivité. Cela nous permet de soumettre rapidement des concepts à nos clients.

Enfin, nous développons une solution d’IA qui agit comme un consultant augmenté. Elle automatisera des tâches telles que les benchmarks ou la rédaction d’appels d’offres, tout en optimisant nos processus. À terme, nous envisageons de proposer cette solution à nos clients.

 

Quels défis rencontrez-vous dans l’intégration de l’IA ?

Le principal enjeu n’est pas technique, mais humain. L’introduction de l’IA nécessite une conduite du changement et une acculturation des équipes. Parfois, des outils tels que Copilot sont déployés sans accompagnement suffisant, ce qui entraîne une sous-utilisation. De plus, certaines personnes hésitent à utiliser l’IA, par crainte que cela soit perçu comme un manque de compétences. Cette peur du déclassement est un frein majeur.

Sur le plan technique, les défis concernent surtout l’intégration des IA avec les bases de données internes et les systèmes IT. Cependant, nous pensons que les principaux obstacles restent humains, notamment en termes de formation et d’adoption.

Certaines industries, et c’est le cas du luxe, montrent des résistances à l’adoption de l’IA. Dans ce secteur, elle est parfois perçue comme une menace pour la créativité. À l’inverse, d’autres domaines par exemple l’e-sport ou l’automobile, y voient un levier d’innovation essentiel.

 

Quels bénéfices observez-vous grâce à l’IA ?

L’intelligence artificielle a un impact positif sur plusieurs plans. Elle améliore la productivité, stimule la créativité et favorise une culture de l’apprentissage au sein des organisations. Elle permet de gagner du temps sur des tâches répétitives, libérant ainsi des ressources pour des missions à plus forte valeur ajoutée.

Elle représente aussi un accélérateur pour l’innovation. Par exemple, nous avons récemment mis en place un outil qui retranscrit automatiquement des interviews et génère des résumés ou des points clés. Cela simplifie considérablement le travail préparatoire, sans nécessiter de compétence humaine spécifique.

 

Comment voyez-vous l’avenir de l’IA et la blockchain ?

Nous croyons beaucoup à la convergence des technologies pour relever les défis actuels. Un sujet majeur est la vérification de l’authenticité des contenus, face à la montée des deepfakes. La blockchain peut offrir des solutions robustes pour garantir l’origine et la traçabilité des créations numériques.

Nous pensons que cette convergence est essentielle pour concevoir des écosystèmes fiables et interconnectés. À l’avenir, ces technologies continueront à se compléter et à transformer profondément les entreprises.

 

Quels conseils donneriez-vous aux PME qui hésitent à utiliser l’IA ?

Il est important de ne pas attendre. L’IA est déjà incontournable, et la question n’est pas de savoir si elle doit être adoptée, mais comment elle peut servir concrètement. Les PMEs doivent identifier leurs besoins, comprendre leurs points de blocage et évaluer comment l’IA peut les aider.

Il est essentiel de ne pas brûler les étapes. Se former, s’acculturer aux technologies et définir une stratégie claire sont des prérequis. Enfin, il faut éviter une approche purement technique. L’IA doit être intégrée en réponse à des besoins métiers concrets, qu’ils concernent le business ou les fonctions support.