Avec la plateforme NEO, le Conseil de l’Europe déploie une stratégie d’intelligence artificielle souveraine, inclusive et opérationnelle, pensée par et pour les métiers.
Dans le cadre du Revolution Summit organisé par Onepoint au Palais de Tokyo, nous avons pu voir la démonstration d’une IA générative au service d’une transformation humaine, pragmatique et souveraine. Le Conseil de l’Europe, représenté par Alain Miel, responsable innovation IA, a présenté sa démarche pionnière autour de la plateforme NEO, développée avec le soutien de Onepoint. Loin des effets d’annonce, le récit fut celui d’un déploiement structuré, gouverné, maîtrisé — mais surtout co-construit avec les métiers.
Un contexte institutionnel exigeant
Créé en 1949, le Conseil de l’Europe regroupe aujourd’hui 46 États membres. Institution paneuropéenne dédiée à la défense des droits humains, de la démocratie et de l’État de droit, son action s’étend sur un vaste territoire — de l’Islande à l’Azerbaïdjan. Composé de 3 500 agents, dont une majorité de juristes, il est confronté à une exigence constante : garantir la souveraineté, l’éthique et la conformité des outils numériques qu’il déploie.
La poussée du shadow AI comme déclencheur
Dès 2022, avec l’émergence de ChatGPT, la prolifération de cas d’usage non contrôlés (shadow AI) dans l’institution a alerté les responsables innovation. Plutôt que d’interdire ou de freiner, le choix a été fait d’embarquer : un groupe de travail transdisciplinaire fut constitué, avec des représentants métiers dans chaque entité. L’objectif : identifier collectivement les cas d’usage porteurs de transformation.
Une approche métier-first assumée
Cinq grandes thématiques ont émergé rapidement : transcription multilingue, synthèse de rapports, extraction thématique, visualisation graphique et monitoring de données. Pour répondre à ces besoins, le Conseil de l’Europe a mis en œuvre une méthode agile centrée sur les ateliers co-construits, associant experts IA, gestionnaires du changement et utilisateurs métiers.
La force du réseau d’ambassadeurs
Le succès de cette acculturation repose en grande partie sur le modèle des « ambassadeurs » — des utilisateurs pionniers chargés de tester les outils, d’évangéliser leurs collègues, de faire remonter les retours terrain. Ce réseau joue un rôle crucial dans l’adoption de l’IA à l’échelle de l’organisation.
La plateforme NEO : une brique technologique souveraine
Développée avec Onepoint, la plateforme NEO est déployée en environnement sécurisé sur les infrastructures du Conseil de l’Europe. Elle permet de traiter des fichiers audio, d’en extraire des transcriptions multilingues grâce à des modèles frugaux, de générer des synthèses, des thématiques, des timelines, et d’automatiser la création de rapports.
Des gains opérationnels concrets
Avec plus de 3 000 heures de transcription traitées en trois mois, la plateforme a prouvé sa robustesse. Des processus entiers — comme les prises de note en réunion, la rédaction de communiqués ou le traitement de comptes-rendus parlementaires — sont accélérés et fiabilisés. Pour les agents, c’est l’opportunité de se concentrer sur des tâches à valeur ajoutée.
Un glossaire dynamique nourri par les métiers
La question des acronymes multilingues, si sensible dans un contexte international, a été anticipée par la mise en place d’un glossaire dynamique, construit par les métiers eux-mêmes. Ce référentiel s’intègre à un système RAG (Retrieval-Augmented Generation) pour garantir précision et cohérence des contenus.
Une gouvernance forte et éthique
Cette démarche s’inscrit dans une gouvernance claire, portée par la direction et adossée à la convention sur l’IA adoptée par le Conseil de l’Europe. Au-delà des exigences du AI Act européen, cette convention pose des standards d’éthique, de transparence, de non-discrimination et d’intégrité — essentiels pour une institution fondée sur les droits humains.
Une approche multi-modèles pour garantir l’autonomie
Le Conseil de l’Europe a fait le choix d’une stratégie multiplateforme, avec des modèles frugaux spécialisés et une agnostie technologique assumée. L’objectif : éviter toute dépendance, préserver la souveraineté, et choisir les modèles en fonction des cas d’usage, avec des instances en local pour les données sensibles.
Des cas d’usage déclinés par fonctions
Nicolas Gaudemet, Chief AI Officer chez Onepoint, a présenté les cas d’usage déployés grâce à NEO. Analyse financière automatisée, création de personas et de business models, traitement juridique de contrats, documentation technique de code, préparation de rendez-vous client, support RH automatisé, analyse de réponses à appels d’offres… Autant d’exemples concrets, en production, éprouvés.
Un lien fort entre métiers et agents IA
Ce qui rend ces cas d’usage pertinents, c’est l’ancrage métier. Les prompts sont co-écrits avec les utilisateurs, les modèles sont entraînés sur des corpus contextualisés, les agents sont développés en studio low-code pour être maîtrisables par des profils non techniques. Le binôme humain/agent est au cœur de l’architecture.
Un modèle duplicable à l’échelle européenne
La démarche présentée lors du Revolution Summit offre une réponse à la question que beaucoup d’organisations se posent : comment intégrer l’IA générative sans sacrifier ni la souveraineté, ni l’éthique, ni l’opérationnel ? L’approche du Conseil de l’Europe, fondée sur la pluralité technologique, la gouvernance partagée et l’empowerment des métiers, mérite d’être observée, adaptée et transposée.