Revolution Summit Onepoint: l’IA émotionnelle à la croisée des chemins

Lors du Revolution Summit organisé par Onepoint, Damien Nuyttens — Directeur expérience client et opérations d’Edenred et Sébastien Billet — Partner Marketing & Relations Clients, Onepoint ont débattu sur l’évolution de l’intelligence artificielle dans la relation client. Plus précisément, ils ont questionné la place que peut prendre l’IA dans la compréhension — et non l’imitation — des émotions humaines. Loin d’être une confrontation entre machine froide et humain sensible, cette rencontre est envisagée comme une collaboration augmentée.

Contrairement à une idée répandue, l’IA ne ressent pas. Mais elle peut apprendre à identifier les marqueurs émotionnels. Chez Edenred, cela se traduit par l’analyse de la prosodie dans les appels téléphoniques (intonation, pauses, variations de ton) afin de localiser les moments de tension dans les parcours clients. Cette approche permet une lecture plus fine des irritants émotionnels, souvent invisibles aux outils de mesure classiques comme le NPS ou les verbatim isolés.

En s’inspirant de la théorie de « l’économie de l’expérience » (Joseph Pine, 1998), Damien Nuyttens rappelle que la vraie valeur perçue par un client ne réside plus uniquement dans le produit. Elle est la somme d’émotions générées tout au long de l’interaction. Avec l’IA, Edenred aspire à amplifier cette dimension, non par une standardisation des émotions, mais par leur reconnaissance contextuelle en temps réel.

Dans un écosystème complexe mêlant entreprises, marchands et utilisateurs finaux, Edenred fait de la facilité d’usage la première promesse émotionnelle. L’IA permet ici de détecter les points de friction invisibles dans les parcours — appels répétés, incompréhensions, escalades inutiles — et de concevoir des solutions proactives, fluides et intuitives.

La voix du client réinventée

Les feedbacks post-interactions sont souvent incomplets. Damien Nuyttens pointe un paradoxe : « Nous basons nos améliorations sur une minorité de retours, alors que la majorité silencieuse pourrait contenir les signaux les plus critiques ». Grâce à l’analyse automatique des échanges vocaux ou textuels, l’IA donne une vision agrégée et contextualisée de l’expérience vécue.

Une IA au service de l’hyper-personnalisation

Loin de l’illusion d’empathie, l’IA est utilisée pour anticiper les attentes et ajuster la réponse humaine. Cela permet aux équipes de gagner en pertinence, d’éviter les répétitions, et d’engager le bon canal au bon moment, en cohérence avec les émotions détectées. Une IA augmentée, mais pilotée.

Émotions et ROI : une équation économique

Si l’impact émotionnel semble difficilement monétisable, Edenred a su trouver l’équilibre. L’IA améliore à la fois les indicateurs de performance opérationnelle (réduction du temps de traitement, baisse des réitérations) et les scores de satisfaction (hausse du NPS). Le point mort économique est calculé en nombre d’évitements de contacts. Résultat : l’équation devient vertueuse, surtout dans un contexte où les cas d’usage sont encore sous-exploités.

L’IA, remède au taylorisme des services clients

En automatisant les tâches répétitives et sans valeur ajoutée, l’IA libère du temps pour des interactions plus qualitatives. Cette « dé-taylorisation » permet de réhumaniser la relation client. Le conseiller devient à nouveau un acteur de résolution et non un simple exécutant.

Damien Nuyttens met toutefois en garde : la machine ne doit pas se faire passer pour ce qu’elle n’est pas. Il insiste sur la transparence : informer le client qu’il échange avec un agent virtuel, tout en préservant la fluidité de l’interaction. L’objectif n’est pas de tromper l’utilisateur, mais de l’accompagner.

Accompagner les équipes un enjeu clé

Le succès de l’IA émotionnelle passe par une adoption sereine en interne. Edenred a engagé un programme de formation autour de la PNL, et soft skills pour permettre à ses équipes de mieux se connaître, d’interpréter les signaux fournis par l’IA et d’adapter leurs réponses avec discernement.

Loin d’angoisser les collaborateurs, l’IA est perçue comme un outil de soutien. En étant formés aux nouveaux usages, les agents gagnent en autonomie et en confort, tout en recentrant leur rôle sur l’intelligence relationnelle.

Edenred teste actuellement un indicateur composite : un score dérivé des conversations, intégrant tonalité, vocabulaire, et analyse contextuelle. L’idée : ne plus dépendre uniquement des enquêtes post-interaction, mais enrichir les KPIs par une lecture continue de l’expérience perçue.

IA émotionnelle : enjeu éthique et culturel

La question de l’adoption traverse aussi les différences culturelles. Dans les 45 pays où Edenred est présent, les émotions ne sont ni exprimées ni interprétées de la même manière. Cela suppose un calibrage fin des modèles, et une vigilance continue sur les biais algorithmiques et culturels.

L’IA émotionnelle, catalyseur d’une nouvelle relation client

Cet échange a démontré que l’IA, loin d’être une menace pour la relation client, peut en devenir le catalyseur. À condition de la penser comme un levier de lecture, non d’imitation. Et de lui adosser une stratégie éthique, humaine, transparente et pilotée. Une voie exigeante, mais prometteuse.