1er juillet 2025. Le lancement du plan national « Osez l’IA », porté par Clara Chappaz, ministre déléguée à l’Intelligence artificielle et au Numérique, marque un tournant assumé : celui d’une IA utile, éthique et souveraine, au service de toutes les entreprises françaises, sans exception.
Ce plan s’inscrit dans une continuité stratégique entamée dès 2018. Il répond à un triple constat : l’IA est déjà présente dans nos vies professionnelles, elle est un levier puissant de compétitivité, mais son adoption reste encore trop limitée et inégale selon les tailles d’entreprise et les secteurs. Selon les chiffres du Baromètre France Num 2024, seules 13 % des PME ont intégré une solution IA, alors même que deux salariés sur trois utiliseraient déjà des outils d’IA générative dans leur quotidien, souvent sans cadre, sans stratégie, sans accompagnement.
Face à ce décalage, l’État prend ses responsabilités. Le plan vise une diffusion massive, pragmatique et structurée de l’IA d’ici 2030. Trois cibles sont posées : 100 % des grandes entreprises, 80 % des PME/ETI et 50 % des TPE devront avoir intégré l’IA dans leurs opérations. Cette transformation ne repose pas sur l’imposition d’une technologie, mais sur l’accompagnement des usages, sur la montée en compétence des acteurs et sur le financement d’un passage à l’échelle maîtrisé.
Première brique : la sensibilisation. Le gouvernement déploie 300 ambassadeurs IA dans toutes les régions, en partenariat avec les Chambres de commerce, la French Tech, Bpifrance et les réseaux territoriaux de France 2030. Parmi eux figurent des dirigeants de grandes entreprises, des chercheurs, des acteurs de la société civile, des influenceurs et des responsables de PME. Tous ont pour mission d’incarner l’IA dans leur secteur, d’en partager les bénéfices concrets et d’aider les entreprises à formuler les bonnes questions. « À quoi me sert l’IA ? » et « Par où commencer ? » sont les interrogations les plus récurrentes. Le réseau répond sur le terrain, avec une approche sectorielle et contextualisée.
Deuxième levier : la formation. Le chantier est colossal. L’objectif est de former 15 millions de professionnels d’ici 2030. L’Académie de l’IA, qui ouvrira en octobre 2025, proposera une plateforme unifiée, gratuite, avec des contenus adaptés à tous les niveaux : artisans, dirigeants, salariés, demandeurs d’emploi, apprentis. Des modules seront intégrés dans les CFA, les formations de France Travail et les dispositifs existants comme le CPF. L’IA devient ainsi une compétence transversale, au même titre que le numérique de base. Cette dynamique sera renforcée par l’introduction de cours obligatoires sur l’intelligence artificielle dès la classe de quatrième, afin de garantir une acculturation nationale, raisonnée et durable.
Troisième composante : l’accompagnement technique et financier. Le plan prévoit 200 millions d’euros d’investissement pour structurer l’accès aux solutions IA. Le diagnostic « Data IA », opéré par Bpifrance, sera cofinancé à hauteur de 40 %. Il comprend 10 jours d’intervention d’un expert pour identifier les cas d’usage pertinents, évaluer leur faisabilité et bâtir une feuille de route réaliste. Les retours d’expérience sont probants : dans l’aéronautique, la logistique, l’administration des ventes, des gains rapides de productivité sont déjà constatés.
Une fois les diagnostics réalisés, les entreprises pourront accéder à un catalogue de solutions classées par cas d’usage et par secteur. Ce référentiel, accessible via l’Académie de l’IA, permet de comparer, tester et intégrer des outils concrets : logiciels de rédaction automatisée, maintenance prédictive, analyse d’images, IA conversationnelle. Trois exemples illustrent la diversité des applications soutenues par l’État : Gleamer, dans le diagnostic radiologique ; Cobbai, dans l’amélioration de l’expérience client pour OpenClassrooms ; 3WAYSTE, dans l’automatisation du tri des déchets.
Pour les entreprises porteuses de projets structurants, un dispositif de prêts garantis par l’État est déployé. Les montants peuvent atteindre plusieurs centaines de milliers d’euros, avec une durée d’accompagnement allant jusqu’à cinq ans. Par ailleurs, deux appels à projets viennent renforcer cette dynamique : « Accélération des usages de l’IA générative », dont les 10 premiers lauréats ont été annoncés, et « Pionniers de l’IA », destiné à soutenir des ruptures technologiques dans des secteurs clés comme la santé, l’industrie ou l’environnement. Les montants alloués vont de 100 000 € à 10 M€ par projet.
L’INRIA, via son « usine à projets », jouera un rôle de catalyseur scientifique. L’objectif est de favoriser le transfert de technologies vers les PME, en mobilisant les chercheurs et en construisant des partenariats sur mesure avec les filières industrielles. L’accord signé avec le CETIM dans les industries mécaniques sert de modèle reproductible à d’autres filières.
Tous les secteurs économiques sont concernés. En santé, l’IA optimise les parcours de soin, améliore le diagnostic et fluidifie les processus hospitaliers. Dans le secteur culturel, elle ouvre la voie à une valorisation intelligente du patrimoine et des contenus. Dans l’éducation, elle personnalise les apprentissages et transforme le rôle de l’enseignant. En transition écologique, elle modélise les émissions, détecte les anomalies et optimise les consommations énergétiques. Dans le BTP, l’IA repense la gestion des matériaux, des chantiers, et la rénovation thermique. Dans le sport, elle accompagne la performance et l’inclusion. Dans le transport, elle anticipe la maintenance et optimise les flux. Chaque ministère est mobilisé pour décliner les usages IA dans son périmètre.
Le plan repose aussi sur une volonté affirmée de souveraineté numérique. La France entend soutenir ses champions nationaux — à commencer par Mistral AI — et garantir que les données, les modèles et les usages restent alignés avec les valeurs européennes. La dépendance aux GAFAM est désormais perçue comme un risque stratégique. À ce titre, l’État articule ses actions avec le règlement européen sur l’intelligence artificielle (AI Act), tout en favorisant la construction d’alternatives souveraines.
Un grand dialogue national a été lancé avec Make.org pour recueillir les attentes des citoyens, identifier les freins et bâtir une IA au service de l’intérêt général. L’approche est inclusive. Elle s’adresse aussi aux collectivités locales : plus de la moitié d’entre elles mènent déjà un projet IA. Ce maillage territorial est renforcé par les sous-préfets référents de France 2030, pour garantir une cohérence entre les stratégies nationales et les réalités locales.
Les échéances sont précises. Dès octobre 2025, les diagnostics IA et l’Académie seront opérationnels. En janvier 2026, les programmes d’accélération démarreront, accompagnés du fonds de garantie bancaire. En février 2026, l’AI Business Day réunira tous les acteurs de l’écosystème pour faire le point sur les progrès réalisés. L’ensemble des dispositifs est pensé pour être agile, évolutif et évalué régulièrement.
Ce plan, bien plus qu’une impulsion technocratique, vise à bâtir une culture de l’innovation à l’échelle nationale. L’enjeu est de ne pas subir la révolution de l’IA, mais de la maîtriser. De ne pas déléguer la transformation numérique à des acteurs extérieurs, mais de l’ancrer dans les territoires. L’intelligence artificielle devient ainsi une brique fondamentale de notre souveraineté industrielle, de notre résilience économique et de notre projet de société.
À travers « Osez l’IA », la France propose une feuille de route ambitieuse, opérationnelle et inclusive. Il ne s’agit pas de faire de chaque dirigeant un ingénieur, mais de permettre à chacun, quelle que soit son activité, d’apprivoiser l’IA, d’en tirer parti, et d’oser se transformer. La réussite de ce plan reposera sur une mobilisation collective. Car l’IA, pour être un levier d’émancipation, doit être partagée. Comprendre. Former. Accompagner. Telle est la méthode. À chacun maintenant de s’en saisir.