La donnée, un actif devenu enjeu de confiance
Paris – Les Échos.
La conférence organisée par Les Échos, OpinionWay et Infogreffe, animée par Charlie Perreau, cheffe du service Tech-Médias-Start-up aux Échos, a réuni des dirigeants et experts autour d’un constat unanime : la donnée n’est plus un flux technique, mais une matière stratégique qui engage la confiance.
« La donnée n’est pas un actif neutre, mais un contrat de confiance »,
souligne Bruno Jeanbart, vice-président d’OpinionWay, en ouverture de la présentation du baromètre OpinionWay x Infogreffe.
Les chiffres confirment cette prise de conscience : seuls 47 % des dirigeants estiment disposer d’une culture data suffisante, tandis que 82 % considèrent la fiabilité des données comme un facteur déterminant de compétitivité.
Pour Infogreffe, la donnée d’entreprise devient une infrastructure de confiance publique. En la centralisant, en la certifiant et en la rendant traçable, l’institution offre un cadre de fiabilité essentiel dans un environnement dominé par les flux numériques et les IA prédictives.
La fiabilité n’est plus une option réglementaire : elle devient une condition de survie économique.
Trois voix d’entrepreneurs : entre vigilance et innovation
Sur scène, trois dirigeants incarnent la diversité des usages et des sensibilités autour de la donnée.
Mehdi Ouchallal, cofondateur de LegalPlace, a ouvert le dialogue entre les legaltechs et les institutions. « Il ne suffit pas d’accéder à la donnée pour qu’elle ait de la valeur. Elle doit être qualifiée, nettoyée, contextualisée. »
Son expérience d’avocat devenu entrepreneur illustre une problématique centrale : dans le domaine juridique, la fragmentation des bases de données génère des incohérences aux conséquences économiques réelles.
Nadine Rakotonanahary, fondatrice de Forwarding Logistic & Shipping, apporte un éclairage concret depuis le monde du transport maritime. « Une donnée logistique corrompue ne coûte pas seulement de l’argent : elle détruit la crédibilité d’une chaîne entière. »
Elle insiste sur l’enjeu de traçabilité en temps réel et sur la cybersécurité, désormais vitale pour un secteur où chaque lien de la chaîne dépend de la fiabilité du précédent.
Enfin, Inès Hamy, juriste et CEO d’Octolo.tech, questionne la responsabilité humaine à l’ère des modèles génératifs. « ChatGPT ou Gemini peuvent paraître sûrs, mais si les données d’entrée sont fausses, ils amplifient l’erreur. La fiabilité devient alors une responsabilité partagée entre humains et machines. »
Point de vue de l’auteure
Au-delà des échanges de la conférence, cette problématique interroge la posture même du dirigeant à l’ère numérique.
La souveraineté ne se limite plus à la localisation des serveurs ou à la conformité juridique. Elle devient un acte de gouvernance.
L’entrepreneur moderne doit apprendre à maîtriser ses flux de données, à comprendre leur valeur stratégique, et à distinguer les informations fiables des signaux parasites. La transparence, souvent perçue comme une contrainte, s’impose aujourd’hui comme un facteur de différenciation.
Dans un environnement saturé d’IA, où les décisions sont automatisées, la transparence choisie devient un outil de confiance et de compétitivité.Ce basculement culturel marque la fin de la donnée subie et l’émergence de la donnée maîtrisée.
L’intelligence artificielle : catalyseur d’efficacité, mais révélateur de vulnérabilité
Si l’intelligence artificielle amplifie la puissance décisionnelle des organisations, elle révèle aussi leurs fragilités structurelles. Une IA mal nourrie — c’est-à-dire alimentée par des données biaisées ou obsolètes — produit des erreurs massives. Le danger ne réside pas dans la machine, mais dans l’illusion de vérité algorithmique.
Cette réflexion rejoint une observation que je formule souvent en entreprise : la performance d’une IA dépend moins de sa sophistication technique que de la qualité des données qu’elle ingère.  Cette logique, place la responsabilité humaine au centre du système technologique. L’enjeu n’est plus la performance brute, mais la fiabilité interprétée : comprendre ce que la donnée dit, et surtout ce qu’elle tait.
Les dirigeants doivent donc mettre en place des mécanismes d’audit de la donnée avant de déployer tout modèle prédictif. La traçabilité, exigée par l’AI Act, constitue à cet égard un progrès majeur vers une responsabilité numérique partagée.
De la transparence subie à la transparence choisie
Loin d’être un simple impératif réglementaire, la transparence devient une valeur stratégique. Les entreprises qui choisissent la clarté bâtissent un capital de confiance durable. Elles démontrent que la donnée n’est pas une ressource à exploiter, mais un engagement à tenir.
« La vraie souveraineté n’est pas dans la possession de la donnée, mais dans la capacité à en garantir la vérité »
La donnée, hier outil de conformité, devient aujourd’hui un symbole de cohérence. Dans un monde saturé d’automatismes, la fiabilité redevient un acte humain — un choix conscient, responsable et porteur de sens.
Points clés à retenir
- La fiabilité prime sur la quantité : une donnée juste vaut mieux qu’un volume illisible.
- L’IA révèle les biais cachés : elle oblige à une gouvernance éclairée.
- Les dirigeants doivent redevenir gardiens du sens : leur souveraineté passe par la maîtrise de l’information.

 
									


