Rapport « AI Agent Trends To Watch in 2025 » — CB Insights

L’âge des agents autonomes a commencé

L’année 2025 marque un tournant stratégique dans l’histoire récente de l’intelligence artificielle. Après les « copilotes » génératifs de première génération, les agents IA prennent le relais : des systèmes capables d’accomplir des tâches complexes en autonomie, avec un minimum d’intervention humaine. Ces agents — pilotés par des LLMs avancés — s’infiltrent dans les usages métier, des ventes à la conformité réglementaire. CB Insights, dans son rapport « AI Agent Trends to Watch in 2025 », dresse un panorama dense et instructif de cette bascule. Il ne s’agit plus seulement d’expérimenter, mais d’intégrer. Et les lignes de front sont claires : les géants du numérique veulent tout contrôler, tandis que les start-ups spécialisées bataillent pour s’imposer dans des niches à haute valeur ajoutée.

 

  1. Le rouleau compresseur des Big Tech

Dès les premières lignes, CB Insights annonce la couleur : les mentions d’agents IA ont quadruplé entre Q3 et Q4 2024. Et l’année 2025 confirme la montée en puissance des solutions « general purpose » propulsées par OpenAI, Google, Anthropic ou Amazon. Grâce à des coûts de modèles divisés par dix tous les douze mois et une distribution massive (ChatGPT compte désormais 400 millions d’utilisateurs hebdomadaires), ces acteurs captent l’essentiel de la valeur.

La stratégie est claire : écraser le marché des assistants polyvalents en s’appuyant sur l’effet réseau, la puissance de calcul et l’acceptabilité des grandes marques. Uber, Klarna ou Lyft ont déjà déployé leurs agents IA de relation client en collaboration directe avec OpenAI ou Anthropic. Ces mouvements laissent peu d’air aux start-ups qui ne peuvent rivaliser ni en infrastructure, ni en notoriété, ni en couverture fonctionnelle.

Mais derrière cette domination apparente, CB Insights souligne un effet paradoxal : la standardisation pousse les besoins vers plus de spécialisation.

 

  1. La revanche des spécialistes : vers des agents verticaux

Si les agents polyvalents sont dominés par les Big Tech, le champ de la spécialisation reste à conquérir. Près de 50 % des levées de fonds dans les agents IA ciblent encore des applications horizontales comme le support client, le développement logiciel ou la vente. Des acteurs comme Sierra (20 M$ de chiffre d’affaires) misent sur une intégration fine avec les politiques de marque, les bases de connaissance internes et les systèmes de tickets.

Le cas de Cursor, qui comprend des millions de lignes de code pour automatiser les processus de développement, illustre bien cette dynamique : l’agent devient un collègue expert, enraciné dans le métier. De leur côté, Glean ou LlamaIndex construisent des ponts entre plateformes de knowledge management et agents adaptatifs.

Mais le vrai terrain d’innovation réside ailleurs. Ce sont les verticales – santé, finance, juridique, industrie — qui concentrent les espoirs de différenciation. Hippocratic AI adapte ses agents à l’exigence de traçabilité du secteur médical. Norm AI, soutenu par Citi Ventures et New York Life, cible les workflows de conformité financière avec des outils d’explicabilité avancée. Ces acteurs parient sur une alliance entre expertise sectorielle et IA générative.

 

  1. Infrastructure : le nouvel eldorado silencieux

Derrière les agents visibles se cache une mécanique invisible, mais cruciale : l’infrastructure. CB Insights observe une structuration progressive de la pile technologique, aujourd’hui fragmentée. Trois sous-catégories se dessinent :

  • La curation des données : Des solutions comme LlamaIndex ou Unstructured permettent de convertir les données non structurées des entreprises en contextes exploitables pour les agents.
  • L’accès aux outils et au web : Des plateformes comme Browserbase offrent des navigateurs headless contrôlables par IA pour automatiser les interactions sur le web.
  • L’évaluation et l’observabilité : Langfuse, Haize Labs ou Coval développent des outils de monitoring pour fiabiliser les agents et anticiper les erreurs.

Ce marché de « l’agent enablement » devient l’un des plus dynamiques, selon CB Insights. Il répond à une demande forte des entreprises : créer des agents robustes, capables d’interagir avec des systèmes complexes, tout en assurant un pilotage humain sécurisé. Orby AI incarne cette tendance « human-in-the-loop » qui sécurise l’autonomie par une supervision intelligente.

Les plateformes « full-stack » — proposant des solutions no-code ou low-code — attirent aussi une clientèle d’entreprises en quête de rapidité de déploiement. Le low-code devient ainsi un levier de démocratisation de l’agent IA.

 

  1. Des POC à l’implémentation : le temps des « digital workers »

63 % des entreprises interrogées par CB Insights déclarent accorder une « grande importance » aux agents IA dans leurs plans pour les 12 prochains mois. La phase d’expérimentation touche à sa fin. Des éditeurs historiques comme Twilio intègrent déjà des agents dans leurs outils, pour filtrer les leads ou répondre aux clients avant intervention humaine.

Mais la transition vers l’implémentation de masse se heurte à trois obstacles majeurs :

  • Fiabilité et sécurité : 47 % des décideurs expriment des inquiétudes sur la confidentialité, la précision des réponses et les usages clients.
  • Intégration technique : 41 % pointent les difficultés de connexion aux systèmes existants.
  • Manque de talents : 35 % soulignent l’insuffisance de profils mixtes (IA + transformation organisationnelle).

Ici encore, des solutions émergent : de la co-création avec des agents supervisés à la constitution de bases de connaissances internes solides. L’enjeu n’est pas seulement technique, mais culturel : il faut repenser la manière dont les collaborateurs travaillent avec des « agents collègues ».

 

Vers une nouvelle économie du travail augmenté

Ce rapport de CB Insights éclaire une réalité déjà perceptible sur le terrain : l’agent IA n’est plus un fantasme de laboratoire, mais un acteur de la transformation organisationnelle. Son potentiel dépasse la simple automatisation pour atteindre une forme d’intelligence instrumentale, spécialisée et connectée.

Le choix stratégique ne se limite pas à « adopter ou non » un agent, mais à « quel agent, avec quelle granularité, pour quelle chaîne de valeur ». Les grandes entreprises auront tendance à intégrer des agents généralistes via leurs partenaires technologiques historiques. Les PME, les secteurs réglementés ou à forte intensité de connaissances opteront pour des agents verticaux adaptés à leurs contraintes.

Cette évolution impose aux décideurs de revoir leurs schémas d’intégration technologique. Construire une architecture de données compatible, former leurs équipes à l’interaction avec des agents autonomes, développer des politiques d’audit et de sécurité adaptées, mais aussi repenser les rôles humains autour de ces agents.

 

Quelques pistes de réflexion pour les entreprises

  • Comment organiser la gouvernance interne des agents (attribution, supervision, audit) ?
  • Quels métiers seront transformés par une collaboration fluide entre humains et agents IA ?
  • L’agent IA peut-il devenir une nouvelle forme d’interface client ou salarié ?
  • Quels sont les indicateurs de performance spécifiques à mettre en place pour évaluer un agent ?
  • Faut-il mutualiser les investissements avec d’autres acteurs d’un même secteur pour co-développer des agents verticaux souverains ?
  • Quel rôle pour les régulateurs dans la supervision des comportements d’agents IA pour les contextes critiques (santé, finance, justice) ?

 

Référence principale
CB Insights. (2025). AI Agent Trends to Watch in 2025.
https://app.cbinsights.com/research/enterprise-ai-agents-copilots-market-map/