Interview Entrepreneur IA : René Cotton, Directeur général de WiziShop Group, simplifie l’e-commerce grâce à l’IA
Propos recueillis par Pascale Caron
Pour commencer, qu’est-ce que WiziShop ?
WiziShop est une plateforme e-commerce qui permet à n’importe quel commerçant de créer, de gérer et d’animer sa boutique en ligne. Nous les accompagnons, avec un système facile à mettre en place et sans risque financier. C’est un abonnement mensuel, et nos « business coachs » répondent aux questions de nos clients, sur la prise en main de la solution, ou offrent des conseils pour développer leur projet de vente en ligne.
Les deux autres atouts de Wizishop résident dans son origine : avant de lancer la plateforme il y a 16 ans, nous étions une agence web spécialisée dans le référencement. Ainsi, le SEO est ancré dans notre ADN depuis ses débuts. De plus, depuis deux ans et demi, nous avons intégré l’intelligence artificielle à Wizishop.
Qu’est-ce qui vous a poussé à intégrer l’IA dans WiziShop.
Elle correspondait à une problématique fréquente chez nos commerçants, la fameuse « page blanche ». Beaucoup savent qu’ils doivent présenter leurs produits, mais pas quoi écrire. Certains finissent par laisser la fiche vide ou copient celles de leurs fournisseurs. Cela n’aide pas à engager les visiteurs. La première brique d’IA que nous avons développée génére des descriptions d’articles, basées sur nos standards de qualité.
Quelles nouvelles fonctionnalités avez-vous réalisées depuis ?
Nous avons conçu une application nommée Pizi. Elle permet à un commerçant de prendre en photo un produit chez lui, et en moins de 45 secondes, il obtient une fiche produit complète. Le logiciel propose le titre, une accroche, une description longue, et l’image est optimisée, détourée, et mise en situation. L’idée est de réaliser rapidement 80 % du travail pour nos utilisateurs. Alors qu’il faut en moyenne 1 heure 20 pour créer une fiche produit, notre solution effectue la majeure partie de cette tâche en quelques secondes. Elle offre ainsi à nos clients la possibilité de se concentrer sur d’autres aspects de leur business.
L’IA a-t-elle transformé vos équipes en interne ?
Oui, en deux ans et demi, l’IA a pénétré toute notre organisation. Les rédacteurs bénéficient d’outils de suggestion, les développeurs utilisent l’IA pour le code et les tests unitaires, et le support client gagne du temps grâce aux réponses prérédigées par l’IA. Par exemple, si un client pose une question écrite, l’IA propose une solution que l’équipe peut valider ou ajuster. Cette automatisation réduit les doublons et permet à l’organisation de se focaliser sur l’amélioration de notre documentation, disponible en ligne pour plus de transparence. L’intelligence artificielle nous fait évoluer d’un service principalement réactif à une approche proactive. Les équipes économisent environ 30 % de temps sur les réponses aux demandes. Grâce à notre base de données, enrichie de 15 ans d’interactions, nous proposons des messages semi-automatisés, extrêmement précis pour les questions courantes. Le temps ainsi gagné permet aux équipes de contacter plus régulièrement les commerçants pour les conseiller et anticiper leurs besoins.
Vous parliez de sécurité des données. Où sont-elles hébergées ?
Nous sommes chez un prestataire français, principalement OVH. Nous faisons le choix de solutions françaises ou européennes, car nous savons que nos clients, certains dans des secteurs vulnérables comme l’aéronautique, préfèrent éviter les hébergements nord-américains ou chinois. Cela nous permet de garantir que les données de nos clients restent en Europe, sur des serveurs conformes au RGPD.
Comment l’IA est-elle intégrée dans votre infrastructure de données ?
Nus avons des approches différenciées selon le type. Pour les informations sensibles, nous employons des modèles open source, hébergés en interne, tel que Lama et Mistral. Pour les données publiques, nous utilisons dans certains cas de l’IA externe comme OpenAI.
L’IA a-t-elle posé des défis culturels pour les équipes ?
En effet, on a eu deux catégories de réactions. Certains étaient très enthousiastes, parfois trop, voulant aller trop vite. D’autres étaient plus réfractaires, surtout au support, redoutant que l’IA nuise à la qualité de service ou menace leur emploi. Nous avons alors mis en place une phase d’éducation pour expliquer les bénéfices de l’IA, en intégrant les collaborateurs au projet dès le départ, ce qui a permis une adoption plus fluide.
Quels ont été les défis techniques rencontrés avec l’IA ?
Le principal a été de former nos programmeurs, car nous avons tout développé en interne. Au début, l’IA n’était pas aussi populaire qu’actuellement, et peu de partenaires étaient capables de nous accompagner. L’autre enjeu était l’infrastructure. Aujourd’hui, on peut trouver facilement des solutions pour faire tourner des modèles d’IA en Europe, ce n’était pas encore le cas il y a plus de deux ans.
Avez-vous constaté des changements positifs dans la dynamique d’équipe grâce à l’IA ?
Oui, l’IA a libéré du temps pour certaines tâches, ce qui a permis aux collaborateurs d’intervenir sur des aspects plus humains. Pour le support, on a gagné en fluidité dans les interactions et en personnalisation. Nous utilisons également l’IA en réunion pour prendre des notes et faire des synthèses, ce qui simplifie la communication interne.
Les clients sont-ils conscients de l’usage de l’IA dans Wizishop ?
Nous tenons à être transparents. Ils savent à tout moment si leur réponse a été produite par un humain ou une machine, ce qui renforce la confiance. Lorsqu’un commerçant pose une question, il est au courant qu’il peut recevoir un message généré par l’IA. Il a d’ailleurs le choix d’interroger directement l’IA, sans intervention de l’équipe.
Permettez-vous une certaine flexibilité dans l’utilisation de l’IA au sein de votre société ?
La pédagogie est essentielle pour éviter les erreurs. Nous veillons à l’employer de manière cohérente pour prévenir le « shadow AI » qui pourraient compromettre la sécurité des données. Par exemple, on sensibilise nos équipes aux risques de copier-coller des données confidentielles dans des services non sécurisés.
Avez-vous des conseils pour les PME qui hésitent à intégrer l’IA ?
La première chose, c’est de se faire accompagner par un expert. Aujourd’hui, de nombreuses compagnies sont spécialisées dans le conseil en IA. Bien sûr, il est prudent de faire le tri. Je suggèrerais de commencer par un besoin précis. Par exemple, identifier un domaine d’application simple pour tester l’IA avant de l’étendre au reste de la société. Cette approche progressive permet de mieux cerner les contraintes et d’optimiser les résultats.
Vous êtes également actif sur la diffusion de vos connaissances en IA. Où peut-on suivre votre actualité ?
J’anime un blog sur rene-cotton.fr, où je partage chaque semaine des réflexions sur l’IA et le e-commerce. Je participe régulièrement à des conférences et au podcast « L’Actu Web SEO », où je parle d’IA et de référencement.