Alan Ferbach, diplômé de Polytech Nice Sophia Antipolis, est le cofondateur et PDG de Videtics, une entreprise créée en 2019 avec ses associés Alexandre Reboul et Pierre-Alexis Le Borgne, spécialisée dans l’analyse vidéo par l’IA. Ils ont développé des solutions destinées à exploiter les flux vidéo pour améliorer la sécurité, la mobilité et la gestion des espaces dans les villes intelligentes, les compagnies privées et, plus récemment, dans le secteur du retail.

« Nous avons constaté que 99 % des flux générés par les caméras ne sont jamais visualisés ni analysés. Les sociétés et collectivités possèdent une mine de données inexploitées », explique Alan. Videtics emploie le deep learning pour repérer des objets, des agissements et des tendances à partir de ces données dormantes.

En avril 2022, Videtics a réalisé une levée de fonds de 2 millions d’euros auprès de plusieurs investisseurs et de Bpifrance. Ils sont 19 collaborateurs.

 

Quel aspect unique de votre secteur vous a poussé à utiliser l’IA ?

Alan distingue deux domaines majeurs qui ont motivé l’intégration de l’IA : la sécurité et la mobilité.

Videtics aide ses clients à détecter des comportements inhabituels, comme une intrusion ou un véhicule à contresens. L’objectif est de réduire la charge cognitive des opérateurs humains tout en fiabilisant les systèmes de vidéoprotection. « Nous ne cherchons pas à remplacer l’humain, mais à lui permettre de se concentrer sur les tâches importantes », précise-t-il.

Le volet mobilité est tout aussi crucial, notamment pour les collectivités. « Nous étudions comment les citoyens utilisent les espaces publics pour épauler les villes à mieux aménager leur territoire. » Par exemple, Videtics fournit des données sur le flux piétonnier dans des zones spécifiques, permettant d’optimiser l’implantation des infrastructures et les déplacements.

Plus récemment, Videtics s’est tourné vers le secteur du retail, avec des résultats prometteurs. « Dans les magasins, nos analyses aident à comprendre les comportements des clients : quelles allées ils fréquentent le plus, où ils restent statiques, ou encore quels produits attirent leur attention », explique Alan. Ces informations aident les enseignes à placer des collaborateurs aux endroits stratégiques ou à optimiser leurs campagnes publicitaires dans les zones les plus populaires.

 

Quelles solutions d’IA avez-vous sélectionnées ?

Videtics a choisi d’intégrer des technologies de deep learning, adaptées à des problématiques spécifiques comme la détection d’objets et l’analyse de flux vidéo. L’équipe développe ses logiciels en interne, ce qui permet une personnalisation totale selon les besoins des clients.

L’un des points forts est leur capacité à réduire les fausses alertes dans les systèmes de sécurité. Alan illustre ce point avec un exemple concret. « Dans une villa privée à ramatuelle très équipée en vidéo et avec 2 golden retrievers, notre IA a aidé à passer de 200 alertes erronées par jour à seulement une ou deux par semaine. » Ce type d’innovation garantit une fiabilité et des opérateurs moins sollicités inutilement.

 

Comment avez-vous surmonté les défis culturels et humains lors de l’intégration de l’IA ?

Alan insiste sur la nécessité de démystifier l’IA auprès des clients. « Beaucoup s’attendent à des performances irréalistes, comme détecter un couteau suisse à 200 mètres. Nous devons expliquer ce qui est possible et ce qui relève de la science-fiction. »

Videtics accompagne les utilisateurs pour qu’ils voient l’IA comme un outil d’aide à la décision et non une technologie remplaçant l’humain. « L’IA décharge les opérateurs des tâches répétitives, mais le choix final leur incombe toujours. » Cette approche les rassure et garantit une adoption progressive et maîtrisée de la solution.

 

Quels défis techniques avez-vous rencontrés lors de la mise en place de l’IA ?

L’équipe de Videtics a dû relever plusieurs défis notamment en matière d’efficience. « Nos solutions doivent être capables d’analyser de grandes quantités de flux vidéo sans nécessiter des infrastructures coûteuses ou énergivores », explique Alan.

Pour y parvenir, Videtics optimise ses modèles d’IA. Pour cela ils réduisent leur taille et leur complexité, tout en maintenant leur performance. « Nous utilisons des techniques pour diminuer le nombre de paramètres, ce qui limite la consommation énergétique et améliore l’efficacité. »

Un autre défi majeur est la sélection et la labellisation des données pertinentes. « Parmi des centaines de milliers d’images, il est crucial d’identifier celles qui apporteront une réelle valeur ajoutée à l’apprentissage des modèles », souligne Alan.

 

Quels changements positifs avez-vous observés dans la dynamique de votre équipe grâce à l’IA ?

Chez Videtics, l’IA les a aidés à rationaliser les processus internes, en particulier pour la gestion et l’analyse des données. « Nous avons une culture très technologique, ce qui nous permet de nous concentrer sur l’innovation tout en intégrant progressivement des aspects commerciaux et marketing. J’utilise aussi l’IA générative pour les réponses aux RFPs », explique Alan.

Chez les clients, les bénéfices sont nombreux. Les données produites par l’IA servent à prendre des décisions éclairées et à améliorer la performance des systèmes en place. Dans le retail, par exemple, les analyses de flux vidéo ont aidé à mieux déchiffrer les comportements des clients et à optimiser les ressources humaines et publicitaires.

 

Quel conseil essentiel donneriez-vous aux PME hésitant à franchir le pas vers l’IA ?

Alan recommande aux PME de commencer par structurer leurs données avant d’intégrer l’IA. « Identifier les flux de données, les organiser et comprendre leur potentiel est une étape clé. »

Il préconise également de démarrer avec des projets modestes et ciblés pour tester la technologie. « Il est crucial de sélectionner les collaborateurs motivés par l’innovation et de les impliquer dans ces premiers projets. »

Enfin, il insiste sur l’importance de poser les bonnes questions aux outils d’IA. « Comme pour un moteur de recherche, la qualité des résultats dépend souvent de la précision de la demande. »