Revolution Summit Onepoint 2025 – Une table ronde éclaire la scène émergente des startups IA françaises qui bousculent les géants mondiaux grâce à leur agilité, leur ancrage local et leur capacité d’innovation technique. Retour sur un échange riche entre trois fondateurs visionnaires.

Paris, Palais de Tokyo. L’intelligence artificielle avait rendez-vous avec la souveraineté technologique. Animée par Nicolas Bonnet, Partner chez Onepoint, la table ronde du Revolution Summit 2025 a mis en lumière trois fleurons de l’IA française : Beink, Linkup et Poolside. Trois entreprises, trois visions, trois réponses concrètes aux défis de l’agentisation, de l’indexation du web et de la création collaborative augmentée.

Une IA française audacieuse, ancrée dans le réel

Malgré les discours alarmistes sur le retard technologique européen, la France héberge une scène IA en pleine effervescence. La diversité des profils invités en témoigne.

Jeanne Le Peillet, fondatrice de Beink, incarne cette génération hybride, à la croisée de la recherche doctorale et de l’entrepreneuriat. Sa plateforme de collaboration visuelle mise sur l’image comme langage universel, pour interagir avec les IA, au-delà des limites du texte. Une approche qui séduit les grands groupes en quête d’outils intelligents, adaptables, et visuellement expressifs.

Beink, une IA qui parle le langage de l’image

Beink propose une plateforme unique, où la pensée visuelle devient interface de collaboration. Destinée aux décideurs, la solution transforme la friction langagière en agilité cognitive. « C’est quand on visualise ce qu’on a en tête qu’on commence à poser de meilleures questions », explique Jeanne Le Peillet. Au cœur de la technologie : une IA entraînée non pas sur des masses indistinctes de données publiques, mais sur les patrimoines visuels des entreprises clientes. Beink permet ainsi de refléter l’ADN des marques tout en respectant la confidentialité. Aucune donnée générée n’est recyclée, aucun input n’est mutualisé. Une réponse directe aux exigences de souveraineté et de personnalisation.

Linkup, la mémoire vive des agents IA

Face à elle, Philippe Mizrahi défend Linkup, un moteur de recherche de nouvelle génération, conçu non pas pour les humains, mais pour les agents IA. Sa mission : combler la cécité temporelle des modèles de langage, incapables d’intégrer les faits récents. « Nous sommes un moteur de faits, pas de liens », résume-t-il. Là où Google propose des pages, Linkup restitue du contexte prêt à l’emploi. L’information est sélectionnée, filtrée, et injectée dans les modèles clients. Une architecture pensée pour l’agentisation, en quête de données fiables et fraîches.

Installée à Paris après une carrière dans la Silicon Valley, l’équipe de Linkup mise sur la densité et l’excellence des talents français. À performance égale, le rapport qualité-prix et l’écosystème de soutien local — BPI, aides à l’innovation — créent des conditions idéales pour les projets deeptech.

Poolside, l’alternative européenne à OpenAI pour les développeurs

À la croisée des modèles fondationnels et des usages métiers, Poolside développe des modèles d’IA spécialisés dans la génération de code. Loin du SaaS générique, l’entreprise fondée par l’ancien CTO de Github mise sur la personnalisation radicale : chaque client reçoit son propre modèle, réentraîné localement sur ses bases de code internes.

« C’est une question de souveraineté et de sécurité », insiste François, représentant de Poolside. Grâce à cette approche, les grandes entreprises peuvent adapter l’IA à leurs langages obsolètes — comme le COBOL — et intégrer les pratiques propres à leur environnement technique.

Souveraineté, collaboration, contextualisation

Au fil des interventions, trois piliers émergent comme fondements de cette « French Tech IA » :

  • La souveraineté technologique, qui ne se limite pas à l’hébergement des modèles, mais implique aussi la maîtrise des données et des processus d’entraînement.
  • La contextualisation, permise par une IA « fine-tunée » sur des patrimoines spécifiques (code, visuels, politiques internes), au lieu de modèles généralistes.
  • La transversalité collaborative, illustrée par Beink, dont l’outil traverse les métiers et facilite les alignements entre équipes diverses — designers, ingénieurs, commerciaux.

Ce dynamisme français, parfois sous-estimé, tient aussi à une histoire académique solide : mathématiques de hauts niveaux, excellence en ingénierie, et un réseau d’écoles techniques réputées. La proximité avec des clusters comme Saclay ou Sophia Antipolis offre aux jeunes pousses un terreau fertile pour expérimenter, recruter, et itérer vite.

Benchmark Mondial: David bat Goliath

Philippe Mizrahi rappelle que Linkup est aujourd’hui classée première au monde sur les benchmarks de factualité, devant Perplexity ou Google. Une réussite rendue possible par un focus technologique total. « On ne construit pas une app BtoC. On fait une chose, et on la fait très bien », affirme-t-il.

Le succès de ces startups, au-delà de leur technologie, repose sur leur capacité à choisir leur terrain de jeu. Ne pas imiter les géants, mais créer des niches à forte valeur ajoutée, là où la personnalisation, la sécurité et la compréhension métier font la différence.

Un modèle collaboratif pour les ETI

Autre point fort : la collaboration active avec les ETI. Jeanne Le Peillet évoque son partenariat avec Groupe Pochet, spécialiste du flaconnage de luxe. Malgré ses 400 ans d’histoire, cette entreprise s’est montrée plus rapide que de nombreux grands groupes pour intégrer une IA générative collaborative dans ses workflows.

Ce dialogue agile entre jeunes startups et industriels expérimentés illustre un modèle vertueux d’innovation distribuée : la tech ne surplombe pas l’existant, elle le transforme de l’intérieur.

Des modèles sur mesure plutôt qu’universels

Poolside fait le pari inverse des modèles tout-en-un. « Nous pensons que pour atteindre une véritable agentisation, il faut un modèle spécialisé par domaine », affirme François. À l’instar des systèmes embarqués dans l’automobile, l’IA destinée à générer du code doit être formée sur des jeux de données spécifiques, exécuter du code, et apprendre à itérer dans des environnements fermés.

L’IA au service des processus métiers

Cette vision s’oppose à l’IA comme outil générique. Chez Beink, l’accent est mis sur l’intégration dans les processus de validation, de co-conception, de revue. L’outil n’est pas un remplacement, mais une extension des compétences humaines.

« Vous êtes la seule IA qui traverse les métiers », rapporte Jeanne, citant un retour client. Une IA transversale, qui fluidifie les échanges et accélère la prise de décision collective : voilà l’ambition.

Chacune des entreprises représentées ici incarne une hybridation stratégique : entre recherche et design, entre France et Silicon Valley, entre R&D et pragmatisme métier. Cette hybridité n’est pas un compromis. Elle est un levier pour produire une IA plus robuste, mieux intégrée, et plus humaine.

Résister par l’excellence ciblée

La table ronde se conclut sur un optimisme lucide. Les startups françaises ne visent pas nécessairement à « battre » les géants américains sur leur terrain. Mais elles réussissent à créer de la valeur ailleurs : dans la précision, l’adaptation, l’intégration sur mesure.

Une résistance par l’excellence, fondée sur une compréhension fine des besoins métiers, et un attachement profond à la qualité des données et des modèles.

Le futur est spécialisé, collaboratif, souverain

Ce que dessine cette table ronde, c’est un avenir de l’IA fragmenté, hypercontextuel, et profondément ancré dans les usages. Face aux modèles généralistes, les startups françaises proposent des IA « fines et utiles », capables de transformer le réel à partir des besoins concrets des entreprises. Un manifeste technologique et économique en faveur d’une IA à visage humain — façonnée par des talents français, mais résolument tournée vers le monde.