Interview avec Stéphanie Eyherabide, COO des Laboratoires de Biarritz pour EntrepreneurIA.
Propos recueillis par Pascale Caron
Nous avons rencontré Stéphanie Eyherabide, Chief Operating Officer des Laboratoires de Biarritz, afin d’explorer comment l’intelligence artificielle transforme les opérations de cette entreprise spécialisée dans les cosmétiques bio, axée sur les ingrédients marins et l’innovation durable.
Pouvez-vous nous présenter votre activité et votre rôle au sein des Laboratoires de Biarritz ?
En tant que Chief Operating Officer, j’ai deux responsabilités majeures dans la société. Je définis la vision stratégique et assure son exécution au sein des Laboratoires de Biarritz, en étroite collaboration avec l’actionnaire actuel. Imaginée en 2011 par un couple de fondateurs avec une vision audacieuse, elle s’est spécialisée dans les cosmétiques certifiés Bio, en prenant dès le départ des décisions stratégiques marquantes. Nous avons fait trois choix fondateurs qui se sont avérés payants. Grâce à notre laboratoire de R&D intégré, nous développons toutes nos formules en interne, ce qui nous permet d’avoir une maîtrise complète sur la création. Notre certification bio, assure une transparence tant sur nos ingrédients que sur nos procédés de fabrication. Enfin, nous avons opté pour les algues comme actifs principaux. Nos produits contiennent des algues issues de la côte basque et de l’Atlantique, dont l’algue rouge du Pays basque, le Gelidium Sesquipedale. Nous avons d’ailleurs déposé deux brevets autour de cet actif : l’un pour ses propriétés antioxydantes, et l’autre pour ses vertus réparatrices.
Arrivée il y a trois ans à la demande de l’actionnaire actuel, j’ai pour mission d’accélérer la modernisation de l’entreprise, en évoluant d’une marque bio vers un laboratoire véritablement responsable. Cette mission de conduite du changement est au cœur de mon quotidien, que ce soit dans le travail avec le laboratoire, le marketing, le service commercial, le digital ou même la finance.
Quel aspect unique de votre secteur vous a poussé à intégrer l’IA, et comment cela a-t-il transformé vos opérations ?
Dans une PME comme la nôtre, les ressources humaines et financières sont généralement limitées. Cela génère plusieurs défis : d’abord, nous faisons face à une pénurie d’expertises spécifiques ainsi qu’un manque de temps des équipes ce qui engendre aussi un problème de réactivité. C’est la conséquence de compétences en cours de développement chez nos collaborateurs, souvent très jeunes et des changements rapides de notre industrie.
C’est un secteur extrêmement dynamique et en perpétuelle évolution, notamment avec de nouvelles marques émergentes, les moyens des grandes marques historiques, et des exigences réglementaires croissantes, en particulier sur le plan environnemental. J’ai donc ressenti que nous devions accroître notre efficacité et être plus réactifs, pour suivre le rythme de ces évolutions.
C’est en assistant à une conférence sur l’IA dans le monde de la beauté que j’ai compris qu’elle pouvait répondre à ces besoins spécifiques en nous aidant à gagner en vitesse et en pertinence.
Quelles solutions d’IA avez-vous sélectionnées ?
Actuellement, nous utilisons principalement ChatGPT avec un abonnement payant et Perplexity AI, ce qui les rend accessibles à l’ensemble de l’entreprise. Aujourd’hui, ce sont essentiellement les équipes de marketing et du digital qui s’en servent, ainsi qu’une partie de notre R&D et de la finance.
ChatGPT nous aide à challenger et affiner nos concepts marketing, en renforçant leur pertinence, leur unicité et leur clarté. L’IA nous permet aussi de gagner du temps sur la rédaction des contenus. Cela inclut des articles de blog, des fiches produits, des publications sur les réseaux sociaux, et même des éléments de notre plan marketing et calendrier éditorial. En R&D, l’IA est un véritable soutien pour effectuer des recherches bibliographiques sur des ingrédients, et imaginer des idées de formulation.
Pour l’avenir, mon ambition est de former toute l’équipe aux différents outils d’IA disponibles et pertinents pour chaque métier, afin qu’ils puissent être utilisés de manière transverse dans l’entreprise. L’IA peut être un accélérateur formidable, et c’est important que nos collaborateurs maîtrisent les systèmes qui peuvent leur faire gagner en efficacité et en précision.
Comment avez-vous surmonté les défis culturels et humains lors de l’intégration de l’IA ?
L’IA a nécessité une approche proactive. Après un été d’expérimentation et de réflexion, j’ai décidé de lancer les équipes sur ce sujet. Je les ai encouragées à se former avec des tutoriels que j’avais trouvés utiles. Comme dans tout processus de changement, les réactions ont été diverses : certains ont tout de suite adopté l’IA et sont devenus les premiers ambassadeurs, tandis que d’autres ont manifesté des résistances.
Cependant, ceux qui se sont rapidement approprié l’IA sont revenus vers moi avec des retours très positifs. Par exemple, certains collaborateurs de la division commerciale exploitent désormais l’IA pour préparer leurs négociations, leurs offres et les calculs de rentabilité. Cette acceptation progressive a suscité un effet d’entraînement, où même les plus réticents s’y sont intéressés en voyant les gains de productivité chez leurs collègues.
Quels défis techniques avez-vous rencontrés lors de la mise en place de solutions d’IA ?
Pour l’instant, ils sont limités, mais ils pourraient augmenter avec l’utilisation de logiciels plus avancés ou en multipliant les outils. Nous devons également prendre en compte la protection des données. Par exemple, il est crucial de bien gérer la sécurisation des documents, et nous envisageons de structurer notre approche pour éviter les erreurs de manipulation, surtout avec la circulation des informations en interne.
Quels changements positifs avez-vous observés dans la dynamique de votre équipe grâce à l’IA ?
L’intégration de l’IA a apporté une véritable dynamique de surprise et de satisfaction au sein des collaborateurs. Ils ont pu constater l’efficacité de ces outils, ce qui les motive davantage. Ils sont plus rapides et produisent des contenus plus précis, percutants et contextualisés. Les gains de temps sur certaines tâches chronophages permettent aux équipes de se concentrer sur des missions à valeur ajoutée, ce qui est très gratifiant. Cette dynamique a même généré une sorte d’émulation positive, où chacun partage ses astuces et ses réussites, renforçant la coopération et l’innovation collective.
Quel conseil essentiel donneriez-vous aux PME hésitant à franchir le pas vers l’IA ?
Je dirais de ne pas hésiter et de se lancer sans tarder. L’IA est un outil puissant et adaptable, surtout dans un contexte de ressources limitées comme celui des PME. On doit apprendre en marchant, tester des solutions, les ajuster au fur et à mesure sans crainte de faire des erreurs. En revanche, il est important de penser à la protection des données dès le début, par exemple en mettant en place une charte d’utilisation de l’IA pour que chacun sache ce qui est approprié ou non. Pour nous, l’IA est déjà devenue un outil stratégique qui nous permet de nous concentrer sur des tâches à forte valeur ajoutée, en améliorant notre précision et notre réactivité.