Paris, Palais de Tokyo, Revolution summit. Xavier Perret, directeur de l’activité Cloud Azure chez Microsoft France, et François Binder, Partner Data & IA chez Onepoint ont partagé une vision claire, étayée de démonstrations concrètes, sur l’essor des agents IA. Ce sont des intelligences autonomes capables d’exécuter, de planifier, et parfois même de collaborer pour accomplir des tâches complexes.

De ChatGPT aux agents : un changement de paradigme

Dès l’introduction, François Binder rappelle les étapes franchies depuis deux ans. En 2023, la découverte de ChatGPT avait bousculé les usages professionnels. En 2024, les premiers outils d’agents ont commencé à émerger. En 2025, l’enjeu est désormais d’industrialiser.

Xavier Perret clarifie ce que l’on entend par agent : une IA à laquelle on délègue une tâche, sous supervision humaine. Contrairement aux simples chatbots conversationnels, les agents sont conçus pour exécuter des processus, interagir avec d’autres outils, voire avec d’autres agents.

Quatre domaines d’impact stratégiques

Microsoft structure l’usage des agents autour de quatre axes majeurs :

  1. L’augmentation de la productivité des collaborateurs, via Copilot pour Microsoft 365 ou GitHub Copilot.
  2. La réinvention de l’expérience client, à travers des assistants conversationnels intelligents.
  3. La transformation des processus métiers, comme illustrés par une démo dans la supply chain.
  4. L’ouverture à l’innovation, avec des startups et des outils open source tels qu’AutoGen ou CrewAI.

Un agent pour se désinscrire des newsletters : démonstration pragmatique

L’exemple personnel présenté par Xavier Perret frappe par sa simplicité. En quelques heures, il a conçu un agent chargé de détecter les e-mails indésirables et de se désinscrire automatiquement des newsletters non sollicitées. Le script utilise un browser agent qui lit, clique et navigue sur les pages de désinscription de manière autonome.

Ce cas illustre un point essentiel : les agents sont accessibles à tout développeur, voire à tout utilisateur avancé. L’objectif : libérer du temps pour des tâches à plus forte valeur ajoutée.

Agents, copilotes, orchestrateurs : vers une architecture modulaire

François Binder et Xavier Perret insistent sur l’évolution de l’architecture agentique. Un agent n’est plus seulement une interface conversationnelle. Il devient un orchestrateur capable d’activer d’autres agents spécialisés.

Cette modularité repose sur trois piliers :

  • Knowledge: une base de données ou de documents contextualisée.
  • Skills: des capacités opérationnelles (lecture de documents, interrogation de CRM, génération de réponses, etc.).
  • Autonomie : le niveau de délégation, de supervision ou d’intervention humaine souhaité.

Cas client : gestion des factures chez Dow

Le premier cas concret concerne Dow, une entreprise chimique traitant plus de 4000 factures par jour. Un agent, déployé dans Microsoft Teams via Copilot Studio, scanne automatiquement les écarts de facturation, détecte les anomalies, propose des rapports d’analyse et permet un traitement accéléré.

L’intérêt ? Une automatisation simple, peu coûteuse, pour un gain cumulé massif. Ce type d’agent, quasi déclaratif, ne nécessite ni orchestration complexe ni modèle avancé de raisonnement.

Raisonnement approfondi : GPT-4 vs O1

La session se poursuit avec une comparaison éloquente entre deux modèles : GPT-4 et O1 (OpenAI). Le cas présenté : analyser les causes d’insatisfaction d’une cliente dans un scénario retail. Résultat :

  • GPT-4 fournit une réponse correcte, mais générique.
  • O1, doté de capacités de raisonnement avancées, contextualise les griefs, propose une stratégie ciblée et génère une réponse client sur mesure.

Cette démonstration montre que certains modèles sont désormais capables d’orchestration, de planification, et de collaboration agentique à haut niveau.

Cas avancé : la supply chain orchestrée par des agents

Le moment fort de la conférence est la démonstration d’un processus supply chain entièrement piloté par un orchestrateur d’agents.

À partir d’une commande multiproduit, un agent principal active plusieurs agents spécialisés (recherche de stock, substitution de produits, évaluation des coûts de transport, vérification des marges) pour formuler une proposition logistique complète.

L’orchestration est dynamique : si une anomalie est détectée (ex. : prix incohérent), l’agent modifie le plan en temps réel, appelle d’autres agents si nécessaire, puis soumet la décision finale à un humain. C’est le principe du Human in the loop, fondamental dans les scénarios critiques.

Vers une IA organisationnelle : chaque agent comme collaborateur

Dans cette vision, chaque agent devient une entité numérique semi-autonome, dotée d’un rôle métier, d’un niveau d’autonomie, d’un historique d’interactions, et d’un périmètre de sécurité.

Cela pose de nouvelles questions : qui administre les agents ? Quels accès leur accorde-t-on ? Doivent-ils figurer dans l’organigramme fonctionnel ? Comment tracer leurs décisions ?

On entre ici dans le champ émergent de l’IA organisationnelle, où la gouvernance devient aussi critique que l’innovation technologique.

L’enjeu de la sécurité : jailbreaking, hallucinations et gouvernance

Xavier Perret aborde ensuite les questions de cybersécurité et de fiabilité. Il montre une simulation de jailbreak : un utilisateur malintentionné injecte une commande cachée dans un e-mail à destination d’un agent. Si ce dernier n’est pas correctement bridé, il pourrait divulguer des informations sensibles.

Microsoft propose déjà des solutions comme Kunchil, un outil capable de détecter ces tentatives et d’en avertir l’utilisateur. Le message est clair : plus l’agent est autonome, plus sa surveillance doit être renforcée.

Souveraineté et données : engagements européens de Microsoft

Sur le plan de la souveraineté numérique, Microsoft rappelle ses engagements :

  • Les données et métadonnées restent hébergées en Europe.
  • Les accès sont réservés aux collaborateurs basés dans l’UE.
  • Des infrastructures spécifiques à l’IA sont en cours de construction en France.
  • L’open source est activement soutenu via GitHub et des projets comme Phi-3.

Ces engagements visent à rassurer les entreprises européennes sur la compatibilité entre performance, conformité et innovation.

Six tendances structurantes pour l’avenir

François Binder conclut avec six tendances clés à surveiller :

  1. Les modèles de raisonnement avancé (O1, O3…).
  2. La maîtrise des données comme fondement de l’agentique.
  3. Le multimodal, notamment l’intégration de la voix.
  4. La montée en puissance du use-case centré, avec des projets orientés processus.
  5. La gouvernance des agents dans l’organisation.
  6. L’interopérabilité entre solutions open source et industrielles (Autogen, Swarm, CrewAI…).

Une révolution qui s’installe dans les pratiques

Au terme de cette conférence, une certitude se dégage : la révolution agentique n’est plus théorique. Elle s’installe progressivement dans les organisations, par paliers, souvent à la périphérie, parfois au cœur des processus critiques.

Mais pour qu’elle tienne ses promesses, elle devra être gouvernée. C’est là, au croisement entre technologie, gouvernance, sécurité et stratégie métier, que se joue désormais la transformation.