La soirée de Demo Day était à la fois une présentation de startups et un moment charnière pour MonacoTech. Elle constituait le point culminant des quatre années de direction de Sandrine Sauval-Chanteloube. Son mandat a façonné l’incubateur, renforcé ses méthodes, étendu son réseau et structuré un environnement propice à une innovation exigeante. L’événement d’hier venait sceller ce travail. Il offrait une dernière photographie de la dynamique qu’elle a impulsée : un écosystème plus mature, mieux connecté, résolument tourné vers l’impact et la crédibilité technologique.
C’est dans cette continuité que Sandrine Sauval-Chanteloube a passé le relais à Chloé Boscagli, récemment nommée directrice de MonacoTech. La transition s’est faite dans un climat de confiance et d’ambition. Chloé arrive à un moment où MonacoTech change d’échelle. Elle s’inscrit dans la lignée du travail accompli, tout en portant une vision orientée accélération, ouverture internationale et souveraineté technologique.
La soirée a révélé des projets plus aboutis, des ambitions plus claires et un alignement net avec les grands défis contemporains.
Parmi les startups en démonstration, deux projets IA se distinguaient immédiatement par leur pertinence et leur solidité conceptuelle. Le premier, KLA Digital, propose une gouvernance complète de l’intelligence artificielle en entreprise, à un moment où l’AI Act impose des obligations strictes. Le second, DataGreen, repense la structure même des infrastructures numériques avec des data centers écologiques, souverains et ultra-denses, capables de répondre aux besoins croissants des modèles IA.
Le pitch de KLA Digital s’attaquait d’emblée à un défi central : comment déployer l’IA dans les processus critiques sans exposer l’entreprise à des risques réglementaires, opérationnels ou réputationnels ? L’explosion des usages, l’apparition rapide des agents autonomes et l’essor d’outils capables d’agir sur des systèmes sensibles créent une zone d’incertitude. La réglementation européenne renforce cette complexité. L’AI Act introduit des exigences strictes de transparence, de contrôle, de documentation, de traçabilité. Les sanctions sont élevées. Les risques juridiques sont concrets.
La plateforme présentée par KLA Digital répond précisément à ces contraintes. Elle propose une couche de gouvernance complète au-dessus des systèmes IA. Elle encadre les permissions, trace les décisions, supervise les comportements, génère les preuves nécessaires aux audits et intègre des validations humaines adaptées aux processus internes. Elle centralise les logs, garantit leur intégrité, automatise la production documentaire et assure la supervision continue des agents. Elle fournit un cadre robuste pour transformer les expérimentations périphériques en déploiements sur des fonctions sensibles.
L’approche repose sur une idée simple : l’IA doit devenir prévisible, fiable et contrôlable. Une structure « boringly safe », conçue pour offrir une confiance opérationnelle et réglementaire. Cette architecture devient la condition d’un usage stratégique de l’IA dans des secteurs où chaque décision compte. Tant que les entreprises ne disposeront pas d’outils de ce type, leurs projets IA resteront cantonnés à la marge, loin du cœur opérationnel. L’intervention de KLA Digital montrait que cette phase d’immaturité touche à sa fin.
Le deuxième pitch ouvrait un horizon complémentaire, mais tout aussi stratégique. DataGreen abordait un sujet que peu d’acteurs traitent avec la même radicalité : la transformation physique des data centers. L’empreinte énergétique des centres de calcul ne cesse d’augmenter. Les GPU prolifèrent. Les modèles IA consomment des quantités d’énergie considérables. Les infrastructures traditionnelles atteignent leurs limites, que ce soit en termes de refroidissement, de densité, de coûts ou d’impact environnemental.
DataGreen propose une rupture profonde. Sa technologie repose sur un refroidissement liquide direct-to-chip fonctionnant en boucle fermée. Elle supprime totalement la climatisation. Cette seule innovation réduit de moitié la consommation énergétique globale du data center. Les serveurs sont isolés, protégés des agressions extérieures. Un microclimat interne stabilisé permet de les installer partout : sur un toit, dans un parking, en extérieur, dans un conteneur. Cette flexibilité ouvre la voie à des architectures urbaines modulaires, adaptées aux territoires denses comme Monaco.
La densité de calcul est spectaculaire : jusqu’à quarante GPU dans un seul serveur. L’espace nécessaire diminue de 90 %. Cette compacité répond directement aux besoins de l’IA moderne. La récupération de chaleur, atteignant 98 %, transforme le data center en ressource thermique. L’énergie produite peut chauffer ou refroidir des bâtiments, offrant une circularité rare pour ce type d’infrastructure.
Le modèle économique de DataGreen s’articule autour de la vente de serveurs, du retrofit d’infrastructures existantes et d’un logiciel de maintenance prédictive assistée par IA. L’entreprise se positionne comme un acteur clé de la décarbonation des infrastructures numériques, capable de concilier performance, souveraineté et durabilité.
D’autres startups complétaient la soirée en illustrant la diversité de MonacoTech. Poseidon « From sea to surface » explorait des solutions issues du milieu marin. Omnivorus SmartFood proposait une approche innovante de l’alimentation durable. Nova-doc présentait une plateforme destinée à simplifier l’onboarding et la gestion des fournisseurs, enjeu devenu stratégique pour les organisations en transformation.
L’ensemble dessinait un paysage cohérent. MonacoTech attire désormais des projets plus ambitieux, plus alignés avec les grandes transitions sociétales. L’incubateur se positionne comme un lieu où l’innovation se confronte à la réalité, se structure et se déploie. Sa force réside dans sa capacité à tester vite, à ajuster, à accompagner et à connecter les startups à un écosystème institutionnel dense.
La passation entre Sandrine Sauval-Chanteloube et Chloé Boscagli cristallisait cette évolution. Elle signifiait la fin d’un cycle remarquable et l’ouverture d’un autre, tout aussi déterminant. L’incubateur entre dans une phase d’intensité nouvelle, exigeante, orientée vers des enjeux de souveraineté, d’écologie, d’infrastructure et de transformation profonde.
Un écosystème prêt à soutenir des transformations de fond et à contribuer à un futur technologique durable.




