Figure incontournable de l’innovation en France, Morgane Soulier incarne une vision singulière de la transformation numérique. À la croisée des mondes de l’entreprise, de l’art et de la technologie, elle conjugue avec agilité ses rôles d’entrepreneure, conférencière, consultante et artiste. Diplômée de l’EM Lyon, de Sciences Po Paris et d’HEC, elle a marqué les débuts de Facebook chez Orange. Elle a ensuite accompagné l’arrivée de Netflix en France, fondé une start-up de santé connectée, et dirige aujourd’hui Now Futures, une structure de conseil dédiée aux grands enjeux numériques contemporains.

Éditorialiste, auteure du livre Metaverse, comprendre le monde qui vient (Grasset), elle explore également la création artistique via l’IA, avec des expositions à New York, Berlin et Madrid. Rencontre avec une exploratrice de futurs, ancrée dans le réel. L’univers de Morgane Soulier est une fascinante alchimie de passions croisées, de convictions profondes et d’une capacité hors norme à anticiper les mutations sociétales.

Lors de notre entretien, elle m’a livré, avec une générosité rare, les lignes de force qui structurent son parcours. Je vous propose de restituer cette conversation, dans toute sa richesse humaine et intellectuelle, pour dessiner le portrait d’une femme qui conjugue audace, sensibilité et rigueur.

Une vie guidée par deux fils rouges : la rencontre et l’innovation

« Le fil conducteur de ma vie, c’est d’abord la rencontre » affirme-t-elle d’emblée. Rencontrer des personnes au-delà de son cercle d’origine, s’exposer à d’autres réalités, ouvrir son esprit, lutter contre les préjugés. Ce goût pour l’altérité irrigue l’ensemble de son engagement.

Le second axe fondateur : l’innovation. Non pas l’innovation technologique à tout prix, mais une curiosité pour les nouvelles pratiques, une volonté de comprendre les tendances émergentes et de les rendre accessibles. « J’ai toujours aimé m’approprier les mutations pour ensuite faire de la pédagogie autour », dit-elle.

Un parcours jalonné d’initiatives pionnières

Dès 2007, Morgane Soulier participe à la transformation digitale d’Orange, en créant la première page Facebook du groupe. Puis, elle accompagne l’arrivée de Netflix en France. Elle fonde sa première entreprise dans la stratégie numérique au moment où Instagram émerge.

Son parcours prend un tournant majeur lorsqu’elle se confronte à des problèmes de santé. De cette expérience personnelle naît FEELEAT, une application de santé connectée conçue pour accompagner les patients souffrant de maladies affectant l’alimentation. Elle y associe une interface pour les professionnels de santé, un podcast, un magazine… Près de 5 millions de personnes touchées.

Du soin à la scène : conférencière et auteure

Ce projet la propulse sur la scène publique. Sollicitée pour des conférences, elle se forme davantage et publie un ouvrage aux éditions de l’Observatoire : Métaverse, comprendre le monde qui vient. Elle signe également des chroniques pour Harvard Business Review, Le Point, L’Express. Aujourd’hui, elle intervient en entreprise pour sensibiliser à l’intelligence artificielle générative, pour tous secteurs d’activité, arguant que nous sommes tous concernés par cette profonde mutation. Elle garde tout de même une forte appétence pour le secteur de la santé et de la gastronomie.

Une méthode de transmission centrée sur le sens

« Je ne vais jamais dans la sphère technique », précise-t-elle. Elle prône une acculturation grand public à l’IA : comprendre l’histoire d’Internet, les dynamiques de l’innovation, le rôle des IA dans la transformation des métiers. Une approche structurée autour de la sensibilisation, de la culture générale et de l’esprit critique.

Son message aux entreprises : « L’IA ne vous prendra pas votre job, mais celui qui saura mieux l’utiliser, oui. »

Une exploration artistique rendue possible par l’IA

Curieuse de comprendre les outils qu’elle enseigne, elle se lance dans la création d’images via IA. Très vite, son univers artistique prend forme. Des visuels hyper-réalistes deviennent des œuvres émotionnelles. Exposée à New York, Berlin, Madrid, elle est représentée par des galeries internationales.

Son processus repose sur une impression fine sur papier Hannemühle, contrecollée sur Alu-Dibond, encadrée en caisse américaine. À Mougins, la galerie Art de Claire expose désormais ses créations, avec un vernissage prévu le 26 septembre.

Un art émotionnel et incarné

« Les gens sont bluffés. Ils ne s’attendent pas à être émus par des images créées par IA. » Pour Morgane, l’œuvre ne prend forme que par l’intention humaine. L’IA est un outil, pas une finalité. Elle parle de « nouvelle forme d’art ».

Elle crée des univers visuels pour des marques, travaille comme directrice artistique. Pour elle, c’est une réinvention du rapport à la création, où chaque mot d’un prompt a son importance. Une manière de redonner ses lettres de noblesse au langage.

Morgane souligne l’importance du couple humain-machine. L’IA n’est pas une menace si elle est utilisée pour amplifier nos capacités. Elle s’inquiète toutefois d’une génération qui utiliserait ces outils sans esprit critique. « Il faut enseigner à poser les bonnes questions. »

Sur l’impact écologique de l’IA : une position lucide

« Oui, une requête sur ChatGPT est coûteuse en énergie. Mais qui parle du temps passé à naviguer sur 30 pages Google pour trouver une réponse ? » demande-t-elle. Elle plaide pour une lecture en coût complet de l’impact environnemental.

Elle cite les experts du GIEC, dont François Gemenne, qui affirment que le numérique pourrait résoudre les plus grands défis écologiques. Elle appelle à la vigilance sans tomber dans les biais de confirmation. « Il faut vivre avec son temps, mais en gardant notre esprit critique. »

Face aux craintes de certains artistes, elle propose une lecture ouverte : « La photo n’a pas tué la peinture. L’IA ne tuera pas la création. Elle l’enrichit. »

Morgane incarne une génération de femmes visionnaires. Sa trajectoire est celle d’une passeuse, d’une médiatrice entre les mondes. Celui de l’entreprise et celui de l’art, le monde du soin et celui de l’innovation, l’univers technique et celui de l’émotion. Elle montre que l’on peut penser avec rigueur, créer avec audace et transmettre avec bienveillance.

Elle conclut : « L’IA est une chance, si on la met au service de nos intelligences. Elle n’est pas un substitut, mais un amplificateur de nos créativités. »

Un propos à la fois inspirant et urgent, à l’heure où les outils que nous inventons redessinent notre humanité.

 

Les oeuvres présentées dans cet article sont en vente à L’Art de Claire Galerie – Mougins