Mathieu Merian, jeune entrepreneur de 23 ans, est à l’origine d’un projet ambitieux : Somanity. Cette start-up française, spécialisée dans le développement d’exosquelettes imprimés en 3D, s’engage à redonner une mobilité perdue à des personnes atteintes de handicaps moteurs. L’histoire de cette initiative débute en 2021, inspirée par un ami proche de Mathieu, souffrant de sclérose en plaques. Face aux limites des dispositifs disponibles sur le marché, il décide de concevoir des solutions accessibles et individualisées. Somanity a bénéficié de l’accompagnement de SKEMA Entrepreneur, l’incubateur de SKEMA Business School. Sous sa direction, Somanity a remporté plusieurs distinctions, notamment le premier prix des Victoires by GARANCE en novembre 2023, récompensant l’innovation de ses exosquelettes. Finaliste de la BFMTV Academy en 2024, l’entreprise est aujourd’hui reconnue comme un acteur clé dans le domaine des technologies de pointe appliquées à la santé et à l’industrie.

L’objectif principal de Somanity reste de rendre ses exosquelettes plus abordables et personnalisés, afin d’améliorer la qualité de vie des utilisateurs et de prévenir les troubles musculo-squelettiques chez les travailleurs.

 

Un double positionnement stratégique

La particularité de Somanity réside dans son approche à deux volets. La première partie des activités concerne la distribution d’exosquelettes à usage industriel. Ils sont conçus pour soulager les employés lors de la manipulation de charges lourdes, visent à prévenir les troubles musculo-squelettiques et à réduire les arrêts maladie.

« Nous ne sommes pas fabricants sur ce segment, mais distributeurs. Chaque métier a des besoins spécifiques, et nous sélectionnons les meilleurs dispositifs en fonction des attentes de nos clients », explique Mathieu. Parmi ces entreprises figurent de grands noms comme DHL (en test), ou encore Leroy Merlin (en test), mais aussi des TPE et PME.

Le second volet, et le cœur de la mission de Somanity, c’est la recherche et le développement d’exosquelettes médicaux. L’objectif est de permettre aux personnes atteintes de handicaps moteurs de retrouver une certaine autonomie. « L’idée est de fabriquer des dispositifs accessibles et adaptés à chaque patient, tout en maintenant des coûts raisonnables pour des produits de cette envergure », précise-t-il.

 

L’intelligence artificielle au cœur des solutions

Dans cette entreprise, l’intelligence artificielle occupe une place essentielle, tant pour les solutions industrielles que médicales. Concernant les dispositifs industriels, des systèmes pilotés par IA sont en cours de développement pour monitorer leur utilisation. Ces outils permettent de mesurer le poids soulevé, de vérifier les bons gestes, et d’anticiper les risques liés aux mauvaises manipulations.

Sur le plan médical, l’IA offre une multitude de possibilités. « Nous travaillons sur un exosquelette qui s’adapte au handicap spécifique de chaque usager. Même pour une pathologie identique, les besoins varient d’un patient à l’autre. Grâce à l’IA, le dispositif peut apprendre des utilisateurs précédents et affiner ses réglages en conséquence. »

L’analyse de l’environnement est clé. Les exosquelettes équipés d’intelligence artificielle déterminent automatiquement les obstacles, comme des escaliers, et ajustent leurs mouvements sans que l’utilisateur ait à s’en préoccuper. Ils envisagent des fonctionnalités empathiques pour accompagner les personnes atteintes de handicap dans leur quotidien, en détectant par exemple des signes de fatigue ou de stress.

« Dans le secteur industriel, l’aspect unique est lié à la nécessité de protéger les employés tout en étant rentable. Les exosquelettes non motorisés que nous distribuons sont munis de capteurs connectés à une plateforme IA. Cela nous permet de suivre précisément leur manipulation : combien de poids a été soulevé, si les gestes ont été réalisés correctement, ou encore si l’utilisateur a respecté les protocoles de sécurité. Cette surveillance préventive aide les entreprises à réduire les arrêts maladie liés aux troubles musculo-squelettiques et à évaluer l’efficacité des équipements sur le terrain. Les développements sont en cours, et seront prêts fin 2025. »

Les solutions d’IA utilisées

« Nous avons développé nos propres modèles de langage spécialisés pour éviter de dépendre d’outils externes tels que ChatGPT. Côté technique, nous analysons les données des cycles de marche pour optimiser le développement des exosquelettes. »

Défis et financement

Comme toute start-up innovante, Somanity fait face à de nombreux défis, en particulier celui du financement. Mathieu admet que trouver des investisseurs en France reste complexe. « Nous sommes trop avancés pour les fonds d’amorçage, mais pas encore assez pour des financements de type série A. Nous sommes dans cette “vallée de la mort” où il est compliqué de convaincre les investisseurs. »

La dualité des activités de Somanity aide néanmoins à surmonter cette difficulté. Les revenus générés par la distribution d’exosquelettes industriels permettent de soutenir les recherches sur les dispositifs médicaux. Cependant, le coût des certifications nécessaires dans le domaine médical reste élevé. Obtenir les marquages CE et les validations réglementaires peut représenter jusqu’à un million et demi d’euros, ce qui constitue un obstacle important pour une jeune entreprise.

Pour Mathieu, la mission de Somanity dépasse la simple recherche de rentabilité. « Nous voulons rendre ces technologies accessibles aux personnes qui en ont réellement besoin, même si cela implique de vendre certains produits à des marges très faibles »

Ce positionnement pousse l’entreprise à innover dans sa gestion. En interne, des outils d’intelligence artificielle sont utilisés pour optimiser les opérations et réduire les coûts. Par exemple, des modèles de langage spécifiques permettent d’analyser rapidement des données complexes issues des tests cliniques. « Avant, analyser un cycle de marche nécessitait de traiter des fichiers Excel avec des millions de lignes. Aujourd’hui, cela nous prend 30 secondes », se réjouit Mathieu.

 

Une philosophie open source

L’accessibilité des technologies est une priorité pour Somanity. Une partie des coques des exosquelettes sera disponible en open source, permettant aux utilisateurs de les imprimer en 3D et de les personnaliser selon leurs besoins. « Nous croyons que les technologies qui changent le monde doivent être abordables pour tous, pas seulement en termes de prix, mais aussi d’usage. »

Ce choix reflète une vision collaborative, où l’innovation est partagée pour accélérer les progrès.

 

Perspectives et conseils aux entrepreneurs

Interrogé sur les prochaines étapes, Mathieu mentionne la recherche active de fonds et le développement de prototypes fonctionnels. Les collaborations avec des centres hospitaliers universitaires permettent de tester les exosquelettes dans des environnements médicaux réels et d’affiner leur conception.

Pour les PME hésitant à intégrer l’intelligence artificielle dans leurs business, Mathieu conseille de ne pas avoir peur de se lancer. « L’IA peut sembler complexe au départ, mais elle libère du temps en automatisant les tâches répétitives, donnant la possibilité aux équipes de se concentrer sur ce qui compte vraiment. »

 

Un engagement humain et technologique

Somanity incarne cette génération d’entreprises où l’innovation sert une mission profondément humaine. À travers des solutions combinant impression 3D, intelligence artificielle et expertise médicale, cette start-up redéfinit ce que signifie la mobilité, tout en rappelant que la technologie doit avant tout être au service des besoins réels.

« Ce projet, c’est une passion. Les défis sont nombreux, mais la satisfaction de voir des personnes retrouver une partie de leur autonomie dépasse toutes les difficultés », conclut Mathieu avec conviction.