Le 16 septembre 2025, les Conseillers du Commerce Extérieur de la France Paris ont organisé une conférence consacrée à Taïwan. Une rencontre où diplomates, entrepreneurs et experts ont confronté leurs visions sur l’avenir des relations franco-taïwanaises, dans un contexte de rivalités géopolitiques et de recomposition industrielle.

Olivier Cadic, sénateur représentant les Français établis hors de France, a ouvert les échanges en rappelant que la question taïwanaise dépasse le seul champ économique. Elle interroge les équilibres de gouvernance et la capacité des démocraties à se positionner dans un environnement régional tendu.

Franck Paris, directeur du Bureau Français de Taïwan, et Antoine Aubel, chef du service économique, ont dressé un état des lieux des échanges bilatéraux. La France importe massivement des composants électroniques et attire des investissements stratégiques, notamment dans les batteries avec ProLogium. La coopération se veut pragmatique : renforcer les liens industriels tout en gardant la lucidité nécessaire face aux tensions régionales.

L’expérience de terrain a été incarnée par Cédric Jaeg, entrepreneur installé depuis trente ans à Taïwan et président du comité local des CCE. Son témoignage illustre la réalité d’un marché dynamique, mais exigeant, où la rapidité d’exécution et l’adaptation culturelle sont déterminantes. Taïwan apparaît comme un laboratoire où les entreprises françaises doivent conjuguer innovation, partenariats et agilité pour réussir.

Denis Deschamps, docteur en géopolitique, a replacé ces échanges dans le cadre régional. Taïwan, au cœur de la rivalité sino-américaine, concentre des enjeux qui dépassent largement ses frontières. Les routes maritimes et la maîtrise des technologies en font un pivot stratégique. La question reste entière pour l’Europe : veut-elle rester spectatrice ou s’affirmer comme puissance d’équilibre dans cette zone clé ?

Les semi-conducteurs ont constitué un moment central du débat. Julien Martin, directeur marketing Asie de Soitec, a rappelé la place unique de Taïwan dans cette industrie vitale. L’île produit plus de 70 % des puces de pointe mondiales grâce à TSMC, leader incontesté de la fonderie. Autour de ce géant, des centaines d’entreprises spécialisées forment des clusters comme celui de Hsinchu, véritable Silicon Valley asiatique. Cette concentration d’acteurs rend l’île indispensable à l’économie numérique mondiale. Sans ces composants, pas d’intelligence artificielle, pas de smartphones, pas de véhicules électriques.
L’Europe conserve des atouts dans les matériaux et les équipements avec des entreprises comme Soitec et ASML, mais elle reste dépendante de la capacité taïwanaise. Pour les intervenants, la question n’est plus seulement industrielle : c’est une question de souveraineté. Comment sécuriser les approvisionnements dans un secteur où la fragilité des équilibres géopolitiques pourrait provoquer une crise globale ?

D’autres interventions ont élargi le spectre. Jean-Romain Micol a évoqué le rôle des industries culturelles et créatives, tandis que Stéphanie Hericher a apporté un regard comparatif fondé sur une longue expérience en Asie. Mais l’essentiel du débat est resté centré sur les leviers diplomatiques et économiques qui permettront à la France et à l’Europe de construire une relation durable avec Taïwan.

De cette rencontre émerge un constat partagé : Taïwan est à la fois un partenaire et un maillon critique de l’économie mondiale. La diplomatie économique française s’emploie à consolider les liens, les entrepreneurs témoignent de l’attractivité, mais aussi des défis locaux, et les industriels soulignent la dépendance croissante aux semi-conducteurs taïwanais.

La question reste ouverte : l’Europe saura-t-elle transformer cette interdépendance en stratégie d’influence et de souveraineté, ou continuera-t-elle de subir les dynamiques d’un monde où l’équilibre se joue aussi à Taipei ?