Le Tour de France de l’IA organisé par le MEDEF et Numeum a débuté à Sophia Antipolis le 4 Novembre pour une soirée riche en échanges et en réflexions. Cette halte, a rassemblé experts et acteurs du domaine de l’intelligence artificielle (IA) pour explorer les transformations que l’IA apporte aux entreprises de toutes tailles, des grandes multinationales aux start-ups locales.
La session a été animée par Florence Tressols PHD, experte en intelligence artificielle, et Frédéric Bossard, président de l’agence WACAN et directeur scientifique à SKEMA Business School du MSc « Digital marketing et Intelligence Artificielle ».
Les discussions ont porté sur l’intégration de l’IA dans les processus business, les défis techniques et éthiques associés, ainsi que le rôle central de l’humain dans cette transformation numérique. Les intervenants ont partagé des cas concrets d’utilisation de l’IA, mettant en évidence les bénéfices et les précautions nécessaires pour une adoption réussie.
Trois visions complémentaires de l’IA : des géants aux start-ups innovantes
La table ronde a réuni des représentants de trois entreprises aux profils variés, chacun apportant une perspective unique sur l’utilisation de l’IA. Le panel comprenait Pablo Fernandez, CEO et fondateur d’ArtinLeap, une start-up incubée à Sophia Antipolis ; Emmanuel Genard d’IBM Nice, acteur historique et pionnier de l’innovation en IA ; et un duo de la PME Coopteo, représentée par Camille Casimiri et Mallaury Sottero.
Pablo Fernandez a créé ArtinLeap pour aider les sociétés à faire un « bond en avant » avec l’IA, notamment à travers des réponses conçues pour être durables et centrées sur l’humain. Emmanuel Penard, d’IBM, a présenté Iris, un signbot (ou chatbot en langage des signes) destiné aux personnes sourdes et malentendantes, montrant l’ambition de rendre les technologies accessibles à tous. De leur côté, Camille Casimiri et Mallaury Sottero ont expliqué comment Coopteo, cabinet de conseil en innovation, utilise l’IA pour améliorer la productivité de ses consultants. Ils optimisent le processus de demande de crédits d’impôt pour ses clients.
L’IA au service des processus internes et de la productivité
Pour Coopteo, l’IA est une opportunité de redéfinir et d’optimiser les processus de l’entreprise. Ils ont mis en place des groupes de travail, pour intégrer l’IA dans les tâches quotidiennes de Coopteo, comme la rédaction de dossiers techniques. Ces dossiers nécessitent de compiler des études complexes pour obtenir des crédits d’impôt recherche ou innovation. L’IA donne la possibilité d’automatiser certaines étapes, la recherche documentaire ou l’analyse d’un domaine spécifique, ce qui réduit le temps de travail tout en augmentant l’exhaustivité des résultats.
L’entreprise a également conçu une application web où quelques informations clés peuvent être entrées, permettant à l’IA de générer une étude du marché en lien avec le projet de chaque client. Cette innovation a provoqué un gain de productivité significatif pour Coopteo, tout en assurant un contrôle humain sur les réponses. L’IA est utilisé comme un assistant pour les consultants, et non un remplacement des collaborateurs.
ArtinLeap et la vision de l’IA durable
Pablo Fernandez, fondateur d’ArtinLeap, un acteur de la transformation numérique durable. Le nom « ArtinLeap » — pour Artificial Intelligence Leap — reflète la mission de cette start-up : accompagner les sociétés dans leur adoption de l’IA de manière respectueuse de l’environnement et centrée sur les besoins humains.
Un des axes de développement d’ArtinLeap est l’usage de modèles de language réduits, ou SLM (Small Language Models), qui consomment moins de ressources tout en offrant des performances comparables aux grands modèles de langage traditionnels. ArtinLeap mise également sur une infrastructure en cloud distribué pour mutualiser les ressources et réduire la consommation d’énergie. En insistant sur une IA « intelligente » mais aussi durable, il démontre qu’il est possible d’innover tout en limitant l’impact écologique des technologies.
IBM et le défi de l’accessibilité : le Signbot Iris
Emmanuel Genard a présenté Iris, un signbot conçu par IBM pour aider les personnes sourdes et malentendantes à accéder aux services numériques. Ce chatbot en langue des signes permet aux utilisateurs d’interagir avec leur téléphone par des gestes, avec une IA qui traduit ces signes en texte compréhensible par des interlocuteurs entendants. Ce projet met en lumière la complexité de l’interprétation, du langage des signes. En effet elle repose autant sur les gestes de la main que sur les expressions du visage et la posture du corps.
Iris illustre comment l’IA peut pfaciliter l’inclusion, et Emmanuel a souligné l’importance de cette approche humaniste. Derrière cette technologie, plusieurs types d’IA coopèrent. Tout d’abord la vision par ordinateur pour analyser les comportements, les modèles de langage pour comprendre et décrypter les intentions de l’utilisateur, et des algorithmes pour retranscrire le texte en langage des signes. Grâce à des partenariats avec plus de 200 entreprises, IBM ambitionne de déployer Iris dans divers secteurs, depuis les services clients jusqu’au commerce en ligne, pour élargir son impact social.
Vers une IA éthique et responsable : Gouvernance et Confidentialité des Données
La table ronde a également mis en avant des questions cruciales de gouvernance et de confidentialité. Pour Coopteo, l’usage d’IA dans le conseil pose des défis particuliers en matière de gestion de données sensibles. Coopteo a pris des précautions en élaborant un guide des bonnes pratiques pour ses collaborateurs. Ce guide distingue les usages autorisés et ceux proscrits, afin de protéger les informations sensibles de leurs clients et de garantir une utilisation responsable de l’IA.
Il a mentionné la nécessité de traçabilité et de transparence dans les systèmes d’IA, en monitorant les décisions d’IA et éviter les biais. Cela s’inscrit dans les exigences croissantes de réglementation, avec l’AI Act de l’Union Européenne qui imposera aux entreprises une gouvernance rigoureuse de l’IA.
L’IA est un outil puissant, mais elle doit être maîtrisée, gouvernée et adaptée aux objectifs de chaque organisation. Les systèmes à base d’IA ne remplaceront pas les humains, mais ils augmenteront leurs capacités en éliminant les tâches répétitives et en les assistant dans des domaines de plus en plus complexes.
À l’issue de la table ronde, un message fort a émergé : l’IA doit être mise au service de l’humain et de l’intelligence collective. Il a insisté sur l’importance de co-créer les solutions avec les utilisateurs finaux pour garantir leur pertinence et leur impact social positif.
Formation et softskills
Pour soutenir les entreprises, le MEDEF met à disposition un site centralisant les ressources pratiques et de formation en IA. À SKEMA Business School, un MSc en marketing digital a évolué pour inclure des cours sur l’IA, visant à former les étudiants à exploiter ces technologies dans des stratégies commerciales et de communication.
Les intervenants ont insisté sur la nécessité de former les professionnels, même ceux non issus de l’IA, pour comprendre et appliquer ces technologies de manière pertinente. L’adaptabilité, la pensée critique et l’esprit rebelle ont été soulignés comme des compétences clés pour tirer le meilleur de l’IA dans les entreprises.
Alexis Kasbarian, responsable du pôle numérique et innovation au MEDEF, a clos les débats en réaffirmant leur engagement pour une transformation numérique inclusive et efficace en France. Pour lui, l’IA est un levier stratégique de compétitivité pour les entreprises, mais son adoption doit être soutenue par une formation adaptée et un management engagé. Les enjeux incluent le financement, avec des dispositifs comme le crédit d’impôt recherche. Il a abordé l’inclusion, insistant sur la place des femmes dans le numérique.
Le MEDEF reste attentif au retour de la société et est convaincu des bénéfices d’une IA responsable et à impact positif. À travers ce Tour de France, le MEDEF réunit les acteurs économiques pour construire ensemble une IA qui respecte les valeurs humaines et soutient le progrès collectif.
Propos recueillis par Pascale Caron