Gilles Roth, ministre des Finances du Luxembourg, a mis l’accent sur un aspect souvent sous-estimé du développement de l’IA en Europe : le financement. Face à une concurrence internationale féroce, où les États-Unis et la Chine investissent massivement, l’Europe doit impérativement combler son retard en matière de capital-risque et de financements publics et privés. Dans son discours, Gilles Roth a insisté sur l’importance d’une approche proactive et audacieuse pour faire de l’Europe un véritable moteur de l’innovation en IA. Il a souligné le rôle clé que le Luxembourg peut jouer en tant que hub financier capable de canaliser les investissements vers des projets IA à fort potentiel. Retour sur les principaux axes de son intervention et sur les défis que l’Europe doit relever pour rester compétitive dans la course à l’intelligence artificielle.
Un retard d’investissement préoccupant pour l’Europe
L’intervention du ministre des Finances luxembourgeois a débuté sur un constat sans appel : l’Europe accuse un retard préoccupant en matière d’investissements en IA. Yann LeCun, pionnier de l’IA et directeur scientifique de Meta, avait déjà tiré la sonnette d’alarme lors de l’AI Action Summit à Paris en début de semaine. Il a dénonçé le manque de financements disponibles pour les startups et les laboratoires de recherche européens.
Selon lui, l’Europe fait face à un déficit annuel de 800 milliards d’euros, dans l’investissement en innovation et infrastructures. Ce retard est d’autant plus inquiétant que, pendant ce temps, les États-Unis et la Chine déploient des montants colossaux pour accélérer leurs avancées en IA. Elon Musk lui-même a récemment pointé du doigt la frilosité européenne en matière de prise de risque et de financements. Loin de nier ces critiques, Gilles Roth appelle au contraire à transformer cette peur en confiance et en audace. Il rappelle que l’IA n’est pas seulement un outil de transformation économique, mais un levier stratégique pour la compétitivité et la souveraineté européenne. Il plaide ainsi pour une politique plus ambitieuse en matière d’investissement, afin de créer un environnement propice à l’innovation et au développement des entreprises du secteur.
Le Luxembourg, un hub financier au service de l’IA européenne
Si l’Europe veut combler son retard, elle doit structurer un écosystème capable d’attirer et de mobiliser des capitaux. C’est ici que le Luxembourg entend jouer un rôle central. Avec un secteur financier gérant près de 6000 milliards d’euros d’actifs, le pays dispose d’un atout majeur pour orienter les investissements vers l’intelligence artificielle. Le ministre a insisté sur la nécessité de développer des véhicules financiers adaptés aux besoins des startups IA, notamment en facilitant l’accès au capital-risque et aux fonds de capital-développement. Selon lui, l’Europe doit assouplir sa réglementation pour permettre aux investisseurs de prendre plus de risques, sans compromettre la stabilité du marché. Il a également évoqué le rôle croissant de l’IA dans la finance elle-même. Au Luxembourg, plusieurs initiatives ont été mises en place pour intégrer l’IA dans la gestion des actifs et l’analyse des marchés financiers. La Commission de Surveillance du Secteur Financier (CSSF) a, par exemple, adopté la plateforme cloud Clarence, qui permet d’optimiser la supervision financière grâce à l’intelligence artificielle. D’autres collaborations entre universités et banques visent à développer des algorithmes avancés pour la gestion des risques et l’optimisation des investissements.
Lever les freins réglementaires pour favoriser l’innovation
Un autre point clé du discours de Gilles Roth a été la nécessité de repenser la régulation en Europe. Si l’IA Act adopté par l’Union européenne garantit un cadre éthique et sécurisé pour le développement de l’intelligence artificielle, il ne doit pas pour autant freiner l’innovation. Le ministre a reconnu que l’Europe avait souvent tendance à privilégier la réglementation au détriment de la compétitivité. Il a souligné que, bien que la protection des données et la transparence soient cruciales, elles ne doivent pas empêcher les entreprises européennes de rivaliser avec leurs homologues américains et asiatiques. Il appelle ainsi à une réduction de la bureaucratie et à une simplification des démarches pour les startups du secteur.
Selon lui, l’Europe doit trouver un équilibre entre régulation et dynamisme économique. Il propose la mise en place d’un marché unique du capital-risque, permettant aux startups IA d’accéder plus facilement aux financements, quel que soit leur pays d’origine. Il plaide également pour des incitations fiscales favorisant les investissements dans les technologies d’avenir.
Une coopération européenne indispensable
L’un des messages forts du ministre luxembourgeois a été l’importance de la coopération européenne dans le développement de l’IA. Il insiste sur le fait que l’innovation ne doit pas être cloisonnée à un seul pays, mais qu’elle doit s’inscrire dans une dynamique collective. Il prend l’exemple de la France, qui s’est imposée comme un pôle majeur de l’IA en Europe grâce à son réseau de laboratoires de recherche et de startups dynamiques. L’Allemagne, quant à elle, excelle dans l’intégration de l’IA dans le secteur industriel. Le Luxembourg, de son côté, offre une expertise unique en matière de financement et d’investissement. En combinant ces forces, l’Europe peut véritablement rivaliser avec les grandes puissances mondiales. Le ministre a également évoqué la nécessité d’intensifier les partenariats public-privé. Il appelle à renforcer les synergies entre les centres de recherche, les entreprises et les investisseurs pour accélérer le développement et l’adoption de l’IA en Europe.
L’IA et la finance, un duo indissociable pour l’avenir de l’Europe
En conclusion de son discours, Gilles Roth a rappelé que l’IA et la finance sont intrinsèquement liées. Pour que l’Europe devienne un leader de l’IA, elle doit impérativement lever les freins financiers qui entravent son développement. L’investissement dans l’IA ne doit pas être perçu comme une simple dépense, mais comme un moteur de croissance et de souveraineté économiques. Il exhorte les dirigeants européens à faire preuve d’audace et à croire en la capacité du continent à innover. Il rappelle que l’IA est une opportunité unique pour façonner l’avenir et que l’Europe doit s’en emparer sans crainte. « Nous ne devons pas aborder l’avenir avec peur. L’Europe doit retrouver l’audace de croire en elle-même. » Ce message optimiste et volontariste reflète bien l’état d’esprit du WAICF 2025. L’Europe veut jouer un rôle central dans la révolution de l’intelligence artificielle, en mobilisant toutes ses forces — humaines, technologiques et financières — pour bâtir un futur ambitieux et compétitif.
L’enjeu est clair : sans financement, pas d’innovation. Si l’Europe veut s’imposer dans la course mondiale à l’IA, elle doit impérativement structurer un écosystème favorable aux investissements et à la prise de risque. Le Luxembourg se positionne comme un acteur clé de cette transformation, prêt à canaliser les capitaux vers les projets IA les plus prometteurs. Mais cette dynamique ne pourra fonctionner que si tous les pays européens unissent leurs efforts. L’avenir de l’IA en Europe dépendra donc de sa capacité à allier régulation intelligente, audace entrepreneuriale et mobilisation financière.