Interview de Yves Benchimol, cofondateur et PDG de WeWard pour EntrepreneurIA
Propos recueillis par Pascale Caron
Yves est un entrepreneur visionnaire diplômé de l’École Polytechnique et de l’Université de Californie à Berkeley. Basé aujourd’hui aux États-Unis, il dirige WeWard, une start-up française fondée en 2019 avec une ambition claire : inciter les gens à marcher davantage en leur offrant des récompenses concrètes. En cinq ans seulement, l’application est devenue un acteur majeur de la promotion de la mobilité douce et de la redynamisation des centres-villes, comptant plus de 20 millions d’utilisateurs dans une trentaine de pays. En 2023, WeWard a célébré une étape déterminante en redistribuant 10 millions d’euros à ses usagers et 600 000 euros à des associations partenaires.
Lors de cette interview, il partage l’histoire et la mission de WeWard, et comment il a intégré l’intelligence artificielle, dans les opérations de son entreprise.
Pouvez-vous nous parler de Weward ?
C’est une application mobile que nous avons créée en 2019 pour encourager les gens à marcher. Pour cela nous leur offrons des récompenses pour chaque pas effectué. Le concept est simple : plus vous marchez, plus vous gagnez des « Wards », une monnaie virtuelle que vous pouvez ensuite convertir en euros, en bons d’achat ou même en dons à des organisations caritatives. Nous proposons aussi des défis, des compétitions entre amis, et des bons plans géolocalisés qui invitent les utilisateurs à découvrir des commerces locaux ou des lieux culturels. Aujourd’hui, WeWard rassemble plus de 20 millions d’utilisateurs dans une trentaine de pays, et nous avons des bureaux à Paris et New York. Notre mission est de lutter contre la sédentarité, de promouvoir une mobilité douce et de dynamiser les centres-villes en reconnectant les personnes avec leur environnement local.
Qu’est-ce qui vous a poussé à intégrer l’IA, et quel impact cela a-t-il eu ?
Dans notre domaine, motiver les gens à adopter des habitudes saines est complexe, puisque cela touche au comportement humain. L’IA nous permet de mieux comprendre et anticiper ces comportements. Grâce à l’analyse des pratiques des utilisateurs, on peut adapter l’expérience en temps réel, proposer des récompenses ou des défis qui correspondent à leurs préférences, et les inciter à être plus actifs. L’impact a été important, car avec l’IA nous sommes plus réactifs et personnalisés, et cette approche est visible à tous les niveaux, que ce soit pour offrir une meilleure expérience utilisateur ou optimiser notre expansion internationale.
Quelles solutions concrètes avez-vous mises en place et lesquelles se sont révélées les plus efficaces ?
Dans le support client, par exemple, l’IA joue un rôle essentiel en analysant les profils et l’historique des utilisateurs, ce qui nous aide à proposer des réponses rapides et adaptées. Cela nous permet de gérer un grand volume de demandes tout en maintenant une qualité élevée dans nos interactions. On a recours à Deepl pour traduire nos contenus en plus de 10 langues, ce qui est fondamental pour l’expansion. En marketing, l’IA nous sert à produire et dupliquer des vidéos et des articles en plusieurs langues et formats. On peut ainsi diffuser des campagnes adaptées aux spécificités culturelles de chaque marché.
L’IA contribue également à améliorer notre organisation interne. On enregistre et indexe nos meetings, ce qui constitue une base de connaissance consultable, et offre à chacun la possibilité de retrouver des informations pertinentes en quelques clics. Par exemple, on souhaite poser des questions comme « Quel est le chiffre d’affaires du mois dernier ? » et obtenir une réponse précise, ce qui simplifierait les échanges et la prise de décision. Sur cette partie on est en cours d’évaluation de solutions.
L’IA est souvent perçue comme un défi culturel dans les entreprises. Comment cela s’est-il passé chez WeWard ?
Nous avons des collaborateurs jeunes et ouverts à l’innovation, donc l’IA a été bien accueillie. Mais on a voulu pousser l’adoption encore plus loin en organisant un hackathon. Ce genre d’événement permet à chacun d’expérimenter l’IA en lien avec ses propres tâches. On forme des teams, où chaque groupe rassemble un ingénieur capable de manipuler les modèles d’IA et des collègues ayant des besoins métiers. Cela crée une dynamique incroyable, car les gens voient directement comment l’IA peut leur simplifier la vie. Par exemple, certains ont imaginé des solutions pour automatiser des tâches récurrentes auxquelles l’équipe de management n’aurait peut-être pas pensé.
Quels ont été les principaux défis techniques que vous avez rencontrés dans la mise en place de ces solutions ?
Ils sont nombreux. Le premier, c’est la collecte et la structuration des données de qualité pour que l’IA fonctionne efficacement. Ensuite, le coût est un aspect non négligeable, surtout pour des tâches comme le support client, où des milliers de messages doivent être analysés en continu. Même si l’IA réagit à certaines questions automatiquement, une validation humaine est encore nécessaire pour garantir la pertinence et la précision des réponses.
Avez-vous observé des changements dans la dynamique de votre équipe ?
Absolument. Un bon exemple est celui d’une collaboratrice qui a utilisé l’IA pour automatiser la mise en place hebdomadaire des cadeaux disponibles sur l’application. Avant, elle passait des heures chaque semaine à configurer ces cadeaux, en les traduisant et en les adaptant pour chaque pays. Elle a développé un prompt pendant deux ou trois jours, et génère désormais ces offres de manière automatique, dans toutes les langues et pour chaque région. Cette automatisation lui permet de gagner une demi-journée entière de travail par semaine. Ce type d’initiative encourage les autres à identifier des tâches répétitives qu’ils pourraient automatiser, ce qui stimule un réel esprit d’innovation.
Pour une PME qui hésiterait encore à adopter l’IA, quel serait votre conseil ?
Le principal c’est de se lancer. L’IA est accessible à toutes les entreprises, même les plus petites, et peut vraiment transformer les opérations. Organiser un hackathon est une excellente façon de démarrer : c’est simple, ludique, et ça aide à déterminer des cas d’usage concrets en impliquant les collaborateurs dès le départ. De plus, pour ceux qui manquent d’expertise technique, se faire accompagner est un bon moyen de s’assurer que les données sont bien structurées et que les solutions choisies répondent réellement aux besoins de la société. Avec une approche bien cadrée, on peut commencer à voir des résultats en six mois à un an.