Dans une salle comble des locaux de Polytech, l’Institut EuropIA, présidé par Marco Landi, a organisé un procès fictif des réseaux sociaux, mettant en lumière les multiples facettes et enjeux liés à ces plateformes numériques. Bien que fictif, cet événement a permis une exploration approfondie des impacts des réseaux sociaux sur nos sociétés, posant des questions fondamentales sur la liberté d’expression, la modération des contenus, la polarisation, et la responsabilité des géants technologiques.
Ce procès simulé s’est avéré être bien plus qu’un simple exercice académique. Il a confronté des visions diamétralement opposées sur le rôle des réseaux sociaux dans un monde interconnecté. Entre accusations de manipulation et défense des apports positifs, ce débat a révélé des tensions complexes qui façonnent notre époque.
Le directeur de l’école Polytech et le représentant de l’Université Côte d’Azur ont donné le coup d’envoi de ce procès, soulignant son importance. « Les réseaux sociaux et l’intelligence artificielle sont des sujets évolutifs, exigeant une réflexion collective pour anticiper leurs impacts. » Cette déclaration a mis en avant l’ambition de l’événement qui est de fournir un espace pour interroger les pratiques des plateformes numériques.
Marco Landi, président de l’institut EuropIA et figure emblématique de l’événement, a rappelé l’objectif de cet exercice. « Nous devons examiner les responsabilités des réseaux sociaux dans une époque marquée par des bouleversements sociétaux et numériques. C’est une opportunité de poser les bases d’une régulation équilibrée. »
Ce procès se déroulait sous la présidence d’Marina Teller, professeure à l’Université Côte d’Azur. Le tribunal fictif a accueilli des juristes, psychologues, et étudiants pour débattre de trois chefs d’accusation, manipulation mentale, atteinte à la démocratie et incitation à la haine.
Témoignages : La Complexité des Réseaux sociaux
Des experts en communication, des juristes et des représentants de la jeunesse ont apporté des perspectives variées, mettant en lumière les forces et les faiblesses des réseaux sociaux.
Parmi ces témoignages nous retiendrons en particulier que la Génération Z peut être considérée comme des citoyens augmentés. Ces représentants de la jeunesse ont défendu leur capacité à exercer un esprit critique face à l’information en ligne. Cependant, ils ont reconnu que les réseaux sociaux pouvaient entraîner une dépendance et une perte de discernement, surtout chez les utilisateurs les moins avertis.
Marina Borriello, experte en communication, a expliqué comment les algorithmes exacerbent les biais cognitifs, notamment le biais de confirmation, qui enferme les utilisateurs dans des bulles d’information. Elle a également suggéré des solutions, comme l’introduction d’algorithmes diversifiant les contenus proposés.
L’accusation : une peinture sombre des Réseaux sociaux
Fort de ces témoignages, le procureur Laurent Kratz, fondateur de Neofacto, a accusé les réseaux sociaux d’exploiter les biais cognitifs pour captiver les utilisateurs. Il a dénoncé l’usage d’algorithmes optimisés pour maximiser le temps passé sur les plateformes, souvent au détriment de la santé mentale des usagers. « Ces algorithmes ne servent qu’un objectif qui est de maintenir l’intérêt à tout prix, en favorisant les contenus émotionnellement chargés, comme la peur ou la colère. »
Il a soutenu que cette manipulation mentale n’était pas un simple effet secondaire, mais un modèle économique délibéré basé sur la gestion de l’attention. Des exemples concrets, comme l’impact des contenus excessifs sur les jeunes utilisateurs de TikTok ou la diffusion de fake news sur X, ont été cités pour appuyer son propos.
Les réseaux sociaux ont également été accusés d’affaiblir les démocraties en donnant une tribune disproportionnée aux discours extrémistes et polarisants. Des événements marquants comme l’assaut du Capitole aux États-Unis et les manipulations électorales européennes ont été évoqués.
« Elles ont permis à des voix radicales de dominer le débat public, créant des bulles informationnelles où la vérité devient relative », a déclaré le procureur. Il a aussi mis en lumière le rôle des réseaux sociaux dans la propagation de propos populistes et conspirationnistes.
Enfin, l’accusation a pointé du doigt la responsabilité des réseaux sociaux dans la diffusion de discours malveillants, qui alimentent la violence et le harcèlement. Laurent Kratz a cité des cas récents, comme les attaques ciblées contre des figures publiques pour démontrer les conséquences réelles de cette haine amplifiée par les plateformes.
Pour répondre à ces accusations, le procureur a proposé des mesures drastiques :
- La création d’un « permis de poster » : obligeant les utilisateurs à suivre une formation avant de pouvoir publier des contenus.
- Un score de crédibilité pour chaque usager, basé sur la fiabilité de leurs publications.
- Une journée hebdomadaire sans algorithme, où les contenus ne seraient pas triés ou promus automatiquement.
La défense : entre hébergeur et éditeur
Maître Ilène Choukri, avocate de la défense, et spécialisée en droit des nouvelles technologies, a présenté un plaidoyer structuré, insistant sur la neutralité des réseaux sociaux en tant qu’outils numériques. « Les plateformes ne créent pas de contenus, elles ne font que les héberger. La responsabilité des propos diffusés revient à leurs auteurs, pas aux intermédiaires techniques. »
Maître Choukri a particulièrement mis l’accent sur la distinction juridique entre hébergeur et éditeur. Selon la loi pour la confiance dans l’économie numérique, un hébergeur se limite à stocker les contenus publiés par des tiers et ne peut être tenu responsable des contenus illicites tant qu’il n’en a pas connaissance. Un éditeur, en revanche, exerce un rôle actif dans la sélection ou la modification des contenus, ce qui engage sa responsabilité.
La défense a contesté les accusations selon lesquelles les algorithmes transformeraient les réseaux sociaux en éditeurs. « Ces outils ne favorisent pas intentionnellement les contenus polarisants. Ils sont conçus pour personnaliser l’expérience utilisateur en fonction des préférences. Ce n’est pas une ligne éditoriale, mais une optimisation technologique. »
Cependant, des cas tels que celui de Meta, qui a récemment réduit ses efforts de modération pour privilégier une « liberté d’expression totale », ont été cités comme des exemples flous où la frontière entre hébergeur et éditeur devient incertaine.
Maître Choukri a également souligné les contributions positives de ces plateformes. Elles permettent de connecter des individus isolés et de créer des communautés de soutien, notamment lors de catastrophes naturelles ou de crises sociales. L’éducation et l’inclusion : Les réseaux sociaux ont amplifié des campagnes importantes, comme celles contre le harcèlement scolaire ou pour les droits des femmes. En concevant de nouveaux métiers et en facilitant l’accès des petites entreprises à des marchés mondiaux, les plateformes contribuent à la croissance économique.
La défense a reconnu les limites des mécanismes de modération actuels, mais a insisté sur le fait que les réseaux sociaux ne peuvent pas veiller sur tout le contenu en temps réel sans enfreindre la liberté d’expression. « Une surveillance totale serait contraire aux valeurs démocratiques que l’on cherche à protéger », a déclaré maitre Choukri.
Elle a également plaidé pour une co-responsabilité, appelant les gouvernements, les entreprises technologiques et les citoyens à travailler ensemble pour créer un environnement numérique plus sûr.
Un verdict symbolique : une invitation à la réflexion
Bien qu’il s’agisse d’un procès fictif, cet événement a permis d’aborder des enjeux cruciaux pour nos sociétés. Les réseaux sociaux doivent-ils être considérés comme de simples outils neutres ou comme des acteurs responsables ? Comment encadrer la distinction entre hébergeur et éditeur ? Quelle régulation équilibrée peut garantir à la fois la liberté d’expression et la sécurité en ligne ?
Ce procès fictif organisé par l’Institut EuropIA, sous la direction de Marco Landi, a posé les bases d’un débat nécessaire sur l’avenir des plateformes numériques. L’événement a souligné l’urgence de développer une régulation adaptée, capable de relever les défis du XXIe siècle tout en préservant les libertés fondamentales.
En définitive, cet exercice a démontré que les réseaux sociaux ne peuvent être ni diabolisés ni exonérés de toute responsabilité. Ils reflètent la complexité de nos sociétés et demandent une approche collective pour équilibrer innovation, liberté et éthique.